Biutiful - critique du film

:. Réalisateur: Alejandro González Iñárritu
:. Acteurs: Javier Bardem, Blanca Portillo
:. Scénario: Alejandro González Iñárritu, Alfonso Cuarón
:. Durée: 2:18
:. Année: 2010
:. Country: Spain, Mexico
:. Pays: Biutiful

  
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On l'attendait au tournant. Après avoir fait le tour de son système narratif qui commençait à sérieusement battre de l'aile dans Babel, à force de pousser les limites de son ambition au-delà des frontières, Alejandro Gonzalez Inarritu devait puiser dans de nouvelles ressources pour proposer un dispositif inédit.

En cela, il remplit sa part du contrat, répond aux attentes, rassure, même. Exit les structures éclatées, exit l'histoire chorale, au bénéfice d'une linéarité plus classique. Dans Biutiful, c'est un seul personnage, campé par un Javier Bardem impressionnant livrant sa plus belle performance à ce jour, qui sert de pivot au récit et crée le lien entre les destins tragiques des autres protagonistes. Anti-héros à moitié salaud et à la fois doté d'une certaine grandeur d'âme, sorte d'humaniste vénal, sensible aux voix de l'au-delà mais condamné à une mort imminente, Uxbal élève seul ses deux enfants, tout en exploitant la situation de travailleurs clandestins et en frayant avec la corruption de la police dans une Barcelone filmée en-dehors des circuits touristiques, des clubs branchés et des Ramblas ensoleillés.

Voilà pour le pitch. C'est indéniable, Inarritu se distingue par les prouesses formelles de ses films. Même si le récit se veut plus linéaire que dans ses précédents films, donc en apparence moins prétentieux, plus sobre, abandonnant là sa marque de fabrique, il reste une capacité à filmer la misère humaine et urbaine avec une certaine virtuosité de rythme, de cadrage, de photographie et de musique. Inarritu maîtrise les arcanes du plan de coupe, de détail, sur la ville et son indifférence face aux drames qu'elle abrite. Le problème, c'est que le film, sur-écrit, souffre d'un scénario balourd qui prend en otage le spectateur. Ecrasant Uxbal de toute la misère du monde, il ne nous épargne rien, exploitant la carte du misérabilisme ad nauseam. A tel point que chaque scène laisse finalement transparaître les intentions de l'auteur : caresser le spectateur dans le sens du poil, lui faire vibrer la corde sensible pour lui arracher toutes les larmes de son corps. Par le truchement de ce véritable terrorisme affectif, il parvient à ses fins mais ne surprend pas pour autant. Chaque drame se trouve téléphoné, ses germes bondissent à l'écran comme des évidences grossières, comme ce plan sur des bombonnes de gaz alimentant des chauffages bon marché que se procure Uxbal pour améliorer les conditions de vie de travailleurs chinois parqués clandestinement dans une cave. On devine aisément qu'elles causeront leur mort. C'est ce qui irrite chez Inarritu : ce manque de confiance en sa mise en scène, et vis à vis du spectateur, qui le pousse à forcer le trait de chaque ligne du scénario, déjà bien plombé par ses prétentions.

En clair, Biutiful est un film qui escroque le spectateur en perpétrant un hold-up sur ses sentiments. Si certains se laissent détrousser, voire violer de la sorte, très peu pour nous. Trop de misérabilisme tue le misérabilisme. C'est d'autant plus dommage que le réalisateur se place parmi les plus talentueux dans ce genre d'exercice.


  Moland Fengkov


     Babel
     21 Grammes
     Amores Perros
     11'09''01


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