Soudain le vide - critique du film

:. Réalisateur: Gaspar Noé
:. Acteurs: Nathaniel Brown, Paz de la Huerta
:. Scénario: Gaspar Noé
:. Durée: 2:30
:. Année: 2009
:. Country: France
:. Pays: Soudain le vide

  
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Faut-il avoir consommé des substances psychotropes pour apprécier à sa juste valeur Soudain le vide ? Quoiqu'il en soit, spectateur sujets à l'épilepsie, passez votre tour. Cet interminable objet graphique aux couleurs bariolées d'un Tokyo transcendé et strié d'effets stroboscopiques est avant tout un trip hallucinogène, une virée (l'auteur parle de mélodrame) psychédélique avant le grand saut dans l'au-delà.

On en saisit le concept dès les premières séquences. Gaspar Noé nous propose une expérience visuelle dans laquelle il a lancé toutes ses forces. Comment filmer l'abstrait ? Comment représenter à l'écran le dernier voyage de l'âme ? Le réalisateur des très controversés Irréversible et Seul contre tous, aidé d'une technologie présente dans chaque plan, relève ce défi casse-gueule et livre un film qui, telle l'âme perdue dont il épouse le point de vue, tourne en rond et se perd un peu dans son propre système, trop homogène pour tenir la durée des deux heures trente. Pour autant, l'expérience est loin de se solder par un échec. Bien au contraire. Passons les plans choc comme celui d'un coït filmé in utero, avec force éjaculation. Gratuité perdue au milieu d'une longue, magnifique et vertigineuse séquence dans un love hotel saturé de lumières rouges où la caméra traverse les murs des chambres et survole les couples en plein ébat. Passons la pauvreté des dialogues. Passons, enfin, la naïveté du scénario : un frère, une sœur, orphelin à la suite d'un accident de voiture. Le frère prend une balle dans un club, pendant un deal, dénoncé par son client avec la mère duquel il a couché ; la sœur, strip-teaseuse, entretient une relation avec son patron ; le temps d'une nuit, l'âme du frère plane sur Tokyo à la rencontre des gens qu'il aime, dans un ultime voyage d'adieu. Voilà pour le pitch. Ce qui intéresse ici le réalisateur, c'est bel et bien l'expérimentation formelle, la mise en images de l'errance de l'âme.

Le film se divise en trois parties narratives distinctes mais unies par la monotone homogénéité de l'ensemble. Filmé à la première personne et accompagné d'une voix-off figurant l'intériorité du personnage, avec clignements des yeux, le premier segment se compose de longs plans-séquences mettant en scène Oscar dans sa chambre : on y assiste à ses préparatifs avant qu'il se rende rejoindre son client dans un club, le Void. Arrive Alex, un ami qui lui a prêté le livre des morts tibétain. Jusqu'à l'intervention de la police, la caméra épouse parfaitement le regard d'Oscar, avant le premier basculement : frappé par une balle, son regard se brouille. A l'écran, fondu au blanc, évanescence, vertige des mouvements de caméra, traversant le plafonnier, sortant littéralement du corps d'Oscar, se perdant dans une noria de couleurs et de motifs stroboscopiques, baignés dans un bourdonnement électroacoustique.

Dès lors, le film pénètre dans une seconde partie dans laquelle le cours de la vie d'Oscar se confond au présent. Les souvenirs défilent, les flash-backs, le montrant de dos, racontent la mort de ses parents, la relation quasi-incestueuse avec sa sœur Linda, son arrivée à Tokyo, ses virées nocturnes et son apprentissage du trafic de drogues, sa relation avec une mère de famille, gogo-dancer. Puis arrive la troisième partie, celle du dernier voyage de l'esprit d'Oscar. Les battements de son cœur résonnent au diapason du beat de la musique diffusée dans les clubs qu'il fréquentait, tandis que la caméra, aérienne à souhait, traverse la ville à la recherche de Linda, pénètre les corps, épouse le point de vue des personnages, devient omnisciente.

Ponctué de projections astrales, le film entraîne le spectateur dans les montagnes russes de son esthétique sous acide. Sa structure cyclique, rejouant certaines scènes mais les déformant légèrement, multipliant les figures circulaires, participe de la perception hallucinatoire de l'esprit du défunt, à la dérive. Au final, on se peut répondre à la question initialement posée par la négative : nul besoin d'aide chimique pour plonger dans l'univers mystique du film. Eprouvant par sa longueur, à bien des égards vain, il vaut tout de même le détour pour sa forme inventive et assumée.


  Moland Fengkov


     Irréversible


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