Il était une fois en Anatolie - critique du film

:. Réalisateur: Nuri Bilge Ceylan
:. Acteurs: Yilmaz Erdogan, Taner Birsel
:. Scénario: Nuri Bilge Ceylan
:. Titre Original : Bir zamanlar Anadolu'da
:. Durée: 2:30
:. Année: 2011
:. Country: Turquie
:. Pays: Il était une fois en Anatolie

  
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Que peut bien donner un polar à la turque ? Avec Nuri Bilge Ceylan aux commandes, cela donne un petit chef-d'œuvre d'une noirceur à tous les niveaux inventant ses propres codes du genre. Loin de ses précédents opus, Once upon a time in Anatolia garde la lenteur et la beauté formelle de ses prédécesseurs mais renouvelle le cinéma du cinéaste turc en se montrant moins taiseux qu'à l'accoutumée et en abordant en filigrane les paradoxes de l'âme humaine. Derrière la lenteur de l'intrigue et l'apparente sobriété de ses moyens, ce film particulièrement exigeant propose une véritable leçon de cinéma, servi par une mise en scène impressionnante de nuances et de subtilité.

Pendant 90 minutes, le film s'étire dans la nuit de l'Anatolie. On y suit une équipe d'enquêteurs, menés par un procureur suffisant, accompagné de forces de l'ordre et d'un médecin sceptique, à la recherche d'un cadavre enterré dans un champ par deux suspects. Ces derniers baladent les policiers de fontaine de pierre en fontaine de pierre, de routes de campagne en collines, à travers la nuit noire zébrée par intermittence par des éclairs. Une tension sourde baigne toute cette partie du film (les 3 quarts d'heure restants, moins réussis, se déroulent au lendemain de cette équipée morbide), le convoi semblant se perdre dans le vaste décor de l'Anatolie sauvage et coupée de la civilisation, balayée par les vents. Le souffle des morts qui se manifestent, tels des fantômes, dans les éléments : sur la roche, on croit distinguer des visages tandis que les vents qui se déchaînent semblent délivrer un message abscons.

Réfugiés dans la maison d'un maire local, les protagonistes, bientôt livrés à l'obscurité à la suite d'une coupure d'électricité, parlent de cimetière et de morgue. Au fond, cette recherche de cadavre n'est autre qu'une quête de sens, illustrée par l'histoire que le procureur raconte au médecin : celle d'une femme qui annonce qu'elle mourra mystérieusement juste après la naissance de son enfant. Au détour des nombreuses conversations qui ponctuent ce road-movie égaré dans les ténèbres, le réalisateur pousse ses personnages à dévoiler leur inhumanité, leurs carences, la face cachée de leur âme. " Une cigarette, ça se mérite ", déclare le commissaire au suspect. Ce qui revient à s'interroger sur ses propres compétences, son inefficacité à mener à terme cette quête. Mérite-t-il de fumer ? Il faudra attendre le petit matin, battu par la pluie, pour enfin découvrir l'endroit où repose le corps. Et pour constater, notamment au cours d'une scène où le procureur dicte son rapport, au pied même du cadavre, sans trop savoir comment formuler ses phrases (soufflées à ses oreilles par le médecin plus habile des tournures administratives déformant quelque peu la réalité), que ces hommes ne trouvent pas le salut avec le retour de la lumière du jour, mais qu'au contraire, celle-ci met en évidence leurs béances. Un militaire scrupuleux calcule les kilomètres parcourus pour déterminer les frontières des districts, tandis qu'un autre avoue avoir oublié d'emporter un sac mortuaire, inutile en l'occurrence, puisque aucun coffre des voitures ne peut réellement accueillir le corps en l'absence d'une ambulance.

Tous ces obstacles au bon déroulement de l'enquête, ce sont les hommes eux-mêmes qui les créent, les éléments naturels ne servant là qu'à les mettre en évidence.

Ceylan porte un regard sévère sur ses concitoyens, en l'occurrence, des personnages qui se veulent indispensables à la société et s'estiment importants. A travers le regard distancié du médecin, il pointe du doigt une société aux ambitions européennes et modernes mais qui doit se demander si elle s'avère prête et armée pour sortir de son cocon.


  Moland Fengkov


     Uzak
     Festival de Cannes 2011


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