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Dogville













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Dogville
Réalisé par Lars von Trier

Avec : Nicole Kidman, Paul Bettany, Patricia Clarkson, Jeremy Davies
Durée: 2:57
Pays: Suède
Année: 2003
Web: Site Officiel
On a beau chercher, on peine à dénicher les défauts de Dogville. Déconcertants au prime abord, les choix artistiques de Lars Von Trier prouvent rapidement ô combien le Danois croit en l'intelligence du spectateur. Véritable hommage au théâtre dépouillé de Bertolt Brecht, le film tire sa force d'une interprétation et d'un scénario sans faille, servis par une mise en scène dont le génie tient dans la capacité de renouveler un style, en se jouant des schémas préétablis par le réalisateur dans sa précédente filmographie. Une excitante expérience de cinéma.

Le film brosse le portrait d'une communauté américaine perdue dans les Rocheuses, qui bascule dans la barbarie, après l'arrivée d'une fugitive parmi eux. D'abord acceptée par les autochtones, Grace va être réduite à l'esclavage et subir les pires humiliations de la part de ses protecteurs. Confrontée à la cruauté grandissante des habitants de Dogville, la jeune femme, entamée dans son intégrité physique et morale, se voit contrainte de repenser ses théories humanistes. Libérée de son joug, sa vengeance s'abat sur la bourgade.

Décomposé en neuf chapitres, un prologue et un épilogue, Dogville surprend dès ses premiers plans. Le générique s'ouvre sur une vue aérienne dévoilant une curieuse topographie de cette bourgade isolée. La caméra descend vers les personnages qui s'affairent, et on découvre alors que le décor se résume en quelques meubles et des marques au sol, indiquant le nom de la rue principale et à qui appartient telle ou telle maison ; une silhouette, dessinée à la craie, symbolise le chien, seul protagoniste désincarné. Durant près de trois heures, le spectateur comprend qu'il ne verra à l'écran que les interprètes sur un fond noir : les murs de l'entrepôt où le tournage a eu lieu.

Pourtant, malgré les premiers instants de gêne provoqués par ce parti pris, on oublie rapidement l'absence de décor. Lars Von Trier privilégie la force de l'interprétation des acteurs. A eux seuls, Nicole Kidman en tête (magistrale dans un registre éloigné de ses précédents rôles, où elle campe plus volontiers des femmes glaciales et solides), ils portent le film au-delà de la performance expérimentale. Soutenus par une voix-off, ils font glisser leurs personnages de façon subtile : une simple remarque, un seule réplique, cinglante, suffisent pour qu'on comprenne que la bonté des villageois dévoile peu à peu la part d'ombre de chacun. Quant à Kidman, d'un regard, la voilà victime, transfigurée en bourreau, impitoyable mais terriblement éclairé.

Pendant les trois quarts du film, le Danois semble brosser un énième portrait de martyre (Breaking the waves, Dancer in the dark), hypothèse violemment démentie dans la dernière demi-heure. Il ne ressasse pas ici son thème éculé de la victime. Bien au contraire, il innove en faisant de Grace un ange exterminateur dont le changement de statut résulte d'une longue réflexion sur les notions de bien et de mal, développées tout au long du film, au cours des réunions communales et des conversations avec les habitants, Tom, écrivain raté auto proclamé porte-parole de la ville, en tête. A l'instar d'un Clint Eastwood dans L'Homme des Hautes Plaines, qui ne laissait que des cendres derrière lui, la vengeance de Grace dépasse en horreur les sévices qu'elle a subis.

Dogville est un récit d'apprentissage d'une grande noirceur. Grace, au prénom qui la prédispose au pardon, se laisse au final assiéger par le mal, contaminée par cette ville où le péché règne en maître sous le masque de la bonté, Enfer gardé par un chien (Cerbère) féroce et affamé. Après la destruction de la ville par les hommes de main de Grace, la bête se matérialise d'entre les flammes. Même l'enfant dans le film se révèle des plus pervers. L'innocence ici a disparu, si un jour elle a existé. Parce qu'en chaque être humain, sommeillent conjointement le bien et le mal. L'apparition de Grace dans la vie ordinaire et sans histoire de cette communauté dégénérée qui vit en vase clos bouleverse son équilibre. On pense à 2000 Maniacs de H.G Lewis, aux romans de Faulkner et de Steinbeck ou à celui de Nick Cave : Et l'âne vit l'ange. L'élément étranger perturbe l'ordre souterrain des lois édictées par les habitants. Apparemment accueillants et généreux, ils dévoilent lentement le mal tapi au plus profond de leur âme. « Il y a beaucoup à faire pour un lieu où personne n'a besoin de rien », s'étonne Grace, éreintée par les tâches qu'on lui assigne. Sa présence réveille les démons et déplace les lois de la morale.

Si Dogville est un drame universel transposable dans n'importe quel autre lieu que les Etats-Unis, pourquoi Lars Von Trier choisit-il précisément de planter son décor dans ce pays ? L'infra texte politique transparaît, et on le sait depuis Dancer in the dark, le cinéaste aime taquiner les maîtres du monde. Dogville est assurément un film post-événements du 11 septembre. Le crack boursier de 1929 a fragilisé l'omnipotente nation jusque dans ses soubassements, de la même façon que les attentats terroristes ont fait vaciller le pays. Dressés derrière des valeurs pieuses et morales, les défenseurs de la violence punitive élèvent leur voix et usent de leur puissance pour imposer leurs vues, aussi corrompues puissent-elles paraître. Dogville est un film sur le pouvoir et ce que peuvent en faire ceux qui le détiennent. L'histoire des Etats-Unis s'est bâtie sur le massacre de millions d'indiens qu'on a privé de terres, au nom de ce pouvoir qui se voulait juste et partial. Avec Dogville, le cinéaste danois lui-même semble avoir perdu toute foi en l'humanité. Il met au rencard ses valeurs chrétiennes, ce qui constitue une plus-value dans son cinéma qui connaissait un certain essoufflement.

  Sandrine Marques & Moland Fengkov




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