powered by FreeFind


Henri Verneuil













        :: Les Sorties
     :: Sur les Ecrans
     :: Agenda Sorties
     :: Sorties DVD
     :: Guide Previews
     :: Archive Critiques


Gratuit - Les nouvelles critiques par e-mail
 
Powered by YourMailinglistProvider


Henri Verneuil
Des personnages sans importance

Un dossier de Laurent Ziliani

Entretemps, Verneuil a fait d'autres rencontres capitales, celle de Gabin notamment, avec qui il tournera cinq films, mais aussi Charles Boyer ou Françoise Arnoul.

Dès 1952 en effet, Verneuil collabore avec d'autres grands : Michel Simon dans le rôle de Maigret (Brelan d'As, 1952), puis Françoise Arnoul et Daniel Gélin en 1954 dans le magnifique Amants du Tage, d'après Kessel. v Mais tout le talent de Verneuil éclate en 1955, avec Des gens sans importance, qui reste sans doute l'un des ses meilleurs films.

Jean Viard (Jean Gabin) est un routier dans la quarantaine. Il n'est pas souvent à la maison, et quand il y est, il ne s'entend guère avec sa femme Jacqueline (Danny Carrel) et ses deux enfants. Ses longs périples répétés sur les routes lui ont donné l'habitude de se restaurer dans la même auberge, où sert la jeune Clothilde (Françoise Arnoul). Une idylle naît entre eux, qui se transforme en relation passionnée. Dès lors Jean s'intéresse davantage à Clothilde qu'à son travail, et se détache de sa famille.

Plus que jamais dans ce film, Verneuil parvient à saisir la banalité du quotidien, à travers les gestes ordinaires, les habitudes. Une mélancolie permanente survole le film. La relation entre Clothilde et Jean est évidemment vouée à l'échec dès le départ. Le spectateur, tout comme Berty, l'ami de Jean interprété sobrement par Pierre Mondy, ne l'ignorent jamais, et dès lors sont condamnés à assister à la triste dégradation de Clothilde et Jean, malgré leur passion toujours présente.

La désagrégation du couple Jacqueline / Jean, tout comme que le comportement indécis et un peu désinvolte de Clothilde ont la même origine : l'ennui, et c'est par cette composante que tous deux, qui n'ont par ailleurs pas grand-chose en commun, se rejoignent et s'unissent dans une véritable passion destructrice.

Le film a vieilli, mais la qualité de ses interprètes (Jean Gabin, plutôt discret et très attachant, et Françoise Arnoul, fragile et fascinante donnent une de leurs meilleures performances) et la photo impeccable de Louis Page le classe parmi les classiques des années 50.

C'est en dirigeant Charles Boyer que Verneuil réussit à renouveler l'exploit d'une peinture fine et juste de personnages « sans importance ». Malgré une première collaboration en demi-teinte (Paris Palace Hôtel, 1956), Boyer et Verneuil se retrouvent dans Maxime, avec Arletty et Michèle Morgan, un film majeur dans l'œuvre de Verneuil, bien qu'il fût peu remarqué à l'époque de sa sortie, et qu'il reste aujourd'hui très méconnu.

Maxime (Charles Boyer), la cinquantaine, est un professeur de maintien peu fortuné. Son élève, le jeune et riche Hubert (Félix Marten) est un séducteur. Cependant, une femme lui résiste ; la belle Jacqueline (Michèle Morgan) repousse toutes ses avances. Hubert demande l'aide de Maxime. Celui-ci se fait passer pour un millionnaire, et approche Jacqueline en usant de tout son charme. Mais, à son tour, il tombe amoureux d'elle.

La plus grande qualité de Maxime réside dans les jeux de Charles Boyer et de Michèle Morgan, subtils, aux antipodes des regards démonstratifs et quasi expressionnistes de Gabin ou Fernandel à la même époque. Le film, qui aurait pu devenir une vulgaire histoire d'amour, est magnifié par des dialogues de qualité, qui parviennent à donner aux personnages une justesse de ton et évitent les clichés aux moments où ils semblent pourtant pointer. Il en va ainsi de la conclusion pragmatique. C'est probablement parce que dans ce film la raison triomphe du sentiment que la censure canadienne l'a fait interdire pour amoralité, et qu'il a été déprogrammé de l'ouverture du festival de Montréal en 1958.

Dans les années qui suivent, Verneuil continue à beaucoup tourner. Il retrouve Gabin, avec notamment Le Président, où Gabin est aux côtés de Bernard Blier dans une adaptation de Simenon.

Le vieux Président à la retraite Emile Beaufort (Jean Gabin) vit aujourd'hui retiré dans une villa. Il n'intervient plus du tout dans la vie politique, et se consacre plutôt à des petites promenades ou à ses mémoires. Mais lorsqu'il entend à la radio que Chalamont (Bernard Blier), son ancien chef de cabinet, est en passe de devenir président du conseil, il sait que leurs routes vont devoir se croiser une dernière fois.

Malgré une scène remarquablement filmée au palais Bourbon, (le débat mouvementé concerne la construction européenne !), le film ne parvient pas à convaincre surtout à cause du jeu de Gabin, qui « gabine » comme jamais. En outre, tout y est vieilli et représenté avec une absence totale de réalisme.

Après La Vache et le Prisonnier (1959), qui clôt la période Fernandel, Verneuil poursuit sa carrière en réalisant un sketch du film La Française et l'Amour (1960). Le film composé de sept sketches (réalisés notamment par Boisrond ou René Clair) est un fiasco. Mais c'est l'occasion pour Verneuil de faire tourner Belmondo, que deux ans plus tard il joindra à Gabin dans Un Singe en hiver (1962). Ce sera par ailleurs le seul film où ces deux acteurs mythiques apparaîtront ensemble.

Un Singe en hiver est l'adaptation du roman d'Antoine Blondin (prix Interallié 1959). Albert Quentin (Jean Gabin), buveur invétéré, et sa femme (Suzanne Flon) tiennent un hôtel dans un village de Normandie. L'alcool permet à Albert de retrouver le Yang Tseu-Kiang et de rêver à une autre vie. Mais voilà que les bombardements alliés pilonnent le village, et Albert et Suzanne se réfugient dans la cave de leur maison. Là, Albert promet à sa femme de ne plus jamais boire d'alcool.

Quelques années ont passé. Albert a tenu sa promesse. Pourtant, un soir, Gabriel Fouquet (Jean-Paul Belmondo) prend une chambre dans leur hôtel. Quitté par sa femme, il se soûle régulièrement pour oublier. Suzanne sent bien que c'est un mauvais exemple pour son mari et craint qu'à la vue de Gabriel, il rechute. Belmondo, star naissante du cinéma populaire (il vient de faire Cartouche) mais aussi un des symboles de la Nouvelle Vague (A bout de souffle) et Jean Gabin, le monstre sacré du cinéma français, réunis par l'alcool : le cocktail semble singulier, mais Verneuil a tapé juste, son film est profondément humain, en permanence sur le fil entre drame et comédie. Deux hommes faibles et malheureux, qui se comprennent à mi-mot, l'un en Espagne, l'autre sur le Yang Tseu-Kiang, grâce à la boisson qui les rend complices.

Humain et humaniste, le propos du film est aussi un hymne à l'ivresse, à la tentation. Il promeut la fantaisie et s'attendrit devant la faiblesse de ces deux hommes. Il affiche son affection pour ces deux enfants, encense leur désinhibition, plutôt que les faux-semblants, les hypocrites, les tricheurs comme cette mère supérieure qui prétend être anglaise, ces villageois qui attendaient patiemment et sans pitié qu'Albert se remette à boire. Il était inéluctable qu'Albert retournât vers la boisson. Il avait remplacé les verres d'alcool par les bonbons par amour pour sa Suzanne. Mais Albert est probablement incurable, il pleure sa jeunesse perdue, la vie qu'il n'aura plus jamais.

Le cas d'Antoine est différent. Quitté par sa femme, les racines de son malaise ne sont pas aussi profondes, mais il est blessé, perdu. Ils ont une génération d'écart, des vies et une situation familiale différentes (Antoine a un enfant), tout les sépare, à part une blessure commune qui les unit ponctuellement. Un Singe en Hiver démontre une nouvelle fois la capacité de faire de Verneuil le peintre de personnages simples et émouvants.

Avec les mêmes qualités, en 1964, Verneuil adapte Week-end à Zuydcoote, d'après Robert Merle. Malgré un gros budget et des milliers de figurants, le film échappe à la lourdeur des films historiques, parce que Verneuil se concentre sur le quotidien de quelques hommes qui pourraient être n'importe qui. Il convient de resituer brièvement le cadre historique. Mai 1940, les Allemands entrent en France après avoir écrasé la Hollande. Ils percent la défense alliée et atteignent Abbeville le 20 mai. Les soldats britanniques et français se retrouvent isolés dans la « poche de Dunkerque ». Mais le 24 mai au soir, Hitler ordonne l'arrêt des forces blindées(*). Grâce à ce répit, les Alliés se regroupent autour de Dunkerque et s'apprêtent à embarquer pour l'Angleterre.

C'est dans ce contexte assez méconnu que se joue Week-End à Zuydcoote. Zuydcoote est un village côtier du Nord, près de Dunkerque, dans lequel des milliers de soldats Alliés dont Maillat (Jean-Paul Belmondo), ses camarades Pierson (Jean-Pierre Marielle) ou Ahery (Pierre Mondy) se retrouvent acculés sous la poussée allemande. La survie s'organise. Ahery prépare son retour à la France occupée, tandis que Maillat cherche à tout prix à s'embarquer pour l'Angleterre. Il parvient à trouver un bateau mais il est coulé et Maillat se retrouve à son point de départ. De retour à Zuydcoote, il rencontre une jeune fille, Jeanne (Catherine Spaak) qui refuse de quitter sa maison, quoiqu'en sursis à cause des pilonnages allemands.

Week-End à Zudycoote est un film sans héros, qui montre un aspect inhabituel de la guerre, avec ses drames personnels, insignifiants à l'échelle mondiale mais tragiques à une échelle humaine.. Les soldats oisifs survivent comme ils le peuvent, certains pillent, trafiquent, violent, ou préparent l'après-armistice. Le film parvient à rendre avec force l'horreur et l'absurdité de la guerre, mais aussi celles des hommes. Un couple anglo-français tente de s'enfuir pour l'Angleterre et meurt dans le bombardement de leur bateau. Un militaire périt en allant chercher de l'eau. Des soldats violent une villageoise qui se refuse à abandonner sa maison bombardée…

Pourtant, le film ne se réduit pas à ses personnages. Les quelques scènes de guerre que Verneuil choisit d'intégrer à son récit sont mémorables. Il est difficile d'oublier ce parachutiste allemand fusillé par des centaines de soldats avant même qu'il ne touche le sol. Il en va de même pour le réalisme époustouflant des scènes de bombardements.

La photographie en scope couleurs de Henri Decaë est formidable, et la musique de Maurice Jarre est à la hauteur du spectacle.

Ainsi, Verneuil, à travers ces quelques films, a prouvé qu'il savait être riche d'humanité, tout en restant fidèle au grand public. Avec presque deux films par an entre 1951 et 1964, il a été un cinéaste français majeur.

Henri Verneuil a désormais 44 ans. En remportant le Golden Globe du meilleur film étranger, il a attiré les regards des producteurs étrangers.

Il s'agit du polar à l'américaine Mélodie en sous-sol (1961), d'après le thriller éponyme de John Trinian (dont le titre original est The Big Grab). Pour l'adapter au cinéma, le scénariste Albert Simonin a transposé le hold-up du livre au casino du Palm Beach à Cannes, il a francisé les noms, modifié la fin, et Henri Verneuil a su le mettre en images dans un suspense haletant.

Charles (Jean Gabin), vieux gangster fraîchement sorti de prison, décide de faire un dernier coup avant de se ranger. Son idée est de ravir la caisse d'un grand casino. Il fait du jeune Francis (Alain Delon) son complice, et tous deux commencent à exécuter un plan compliqué dont le terme est le braquage de la caisse, au sous-sol du casino.

Le film est un modèle du genre. Le rapport entre Charles, le vieux bandit expérimenté qui veut se ranger après un dernier coup, le plus gros de sa carrière, et Francis, le jeune et beau voyou un peu trop sûr de lui, est un parangon pour de nombreux films de gangsters. Entre eux s'instaure une relation conflictuelle, qui tient du rapport père / fils.

Avec sa réalisation impeccable et sa fin inoubliable, le film est remarqué aux Etats-Unis. Il décroche le Golden Globe du meilleur film étranger, bien qu'il soit peu apprécié par les critiques français. Il faut dire qu'Audiard est à l'opposée de la Nouvelle Vague qui secoue le cinéma hexagonal, et dans ce contexte de renouveau, Verneuil et Gabin, c'est un peu du « cinéma de papa ». Toujours est-il qu'avec ce film, Verneuil s'ouvre les portes des Etats-Unis. Il se rend à Los Angeles.

Verneuil parlait assez volontiers de cette époque dans les interviews, pendant laquelle il avait pu assister dans les studios de la MGM au tournage de Frontière Chinoise, le dernier film de John Ford, ou croiser King Vidor.

Avec son départ outre-Atlantique, la seconde période de Verneuil s'achève. Au cours de son périple américain, il va acquérir une notion assez précise du type de cinéma qu'il veut désormais faire.

(*) Il est à noter en passant que les raisons de cet ordre sont encore discutées. Hitler aurait été inquiété par une progression trop rapide des troupes allemandes. En réalité, des facteurs politiques entrent sans doute en ligne de compte. Goering suggéra que la bataille finale fût livrée par la Luftwaffe pour éviter que le prestige de la victoire reviennent aux généraux de l'armée. En outre, Hitler voulait que la victoire finale se jouât en France, plutôt que chez les Flamands, descendants d'Allemands. (W. Shirer, The Rise and fall of the Third Reich). Quoi qu'il en soit, grâce à cet ordre aberrant, les Alliés avaient renforcé leurs défense, et jusqu'au 2 juin, 130.000 Français et 200.000 Britanniques purent s'embarquer pour le Royaume-Uni, sous les bombardements allemands.

::: Intro
1. L'époque Fernandel
2. Des personnages sans importance
3. Le plus américain des réalisateurs français
::: Conclusion






| Info Plume Noire | Contacts | Publicité | Soumettre pour critique |
| Rejoignez-Nous! | Chiffres-clés | Boutique | Mailing List | Charte |

Copyright ©1998-2017 LA PLUME NOIRE Tous droits réservés.


Like Us On Facebook