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Le Cinéma Taiwanais

Tsai Ming-Liang

:: LE CINEMA TAIWANAIS
:: Hou Hsiao-Hsien
:: Ang Lee
:: Tsai Ming-Liang
Le cinéma de Tsai Ming-Liang, plus près, dans le style, de celui de Hou, en est un fort différent de celui de Ang Lee. Toutefois, il traite, lui aussi, de tradition et de modernité, mais dans une approche fort éloignée de celle de Ang Lee. Tsai n’oppose pas les deux, il les juxtapose pour parler d’une société qui a les deux côtés, une société entre le MacDo et les temples bouddhiques, pourrait-on dire. Il s’agit d’un cinéma qui, sans être « engagé » comme chez Hou, traite de problèmes sociaux, d’une manière à la fois philosophique et très personnelle. Chez Tsai, il n’y a pas, contrairement aux deux autres cinéastes, de classe sociale privilégiée dans le propos. Il peut tout autant nous parler d’un agent d’immeuble que d’un homme qui vend des vêtements dans la rue. Son propos traite de la vie intime de gens seuls, frappés par ce mal des sociétés industrialisées qu’on appelle « la solitude urbaine ». Avec les quatre longs métrages qu’il a réalisés jusqu’à présent, il a déjà une œuvre fort cohérente et un univers qui lui est propre par ses thématiques récurrentes, l’utilisation des mêmes comédiens et son espace géographique presque exclusif :Taipei. Ici, la question de l’identité n’est pas tant liée à l’histoire ou à la politique mais au contexte « post-moderne » : l’homme (ou la femme) par rapport à la « machine » technologique, économique ou sociale (c’est-à-dire une société qui « fonctionne »).

Vive l’amour, contrairement à ce que son titre, ironique, suggère, est un film sur les relations troubles de trois personnes qui manquent désespérément d’amour. Hsiao Kang est un démarcheur pour le compte d’une compagnie de pompes funèbres, Ah Jung, lui, est un marchand de rue à la petite semaine, tandis que May est une agente immobilière. C’est dans un des appartements vides que May doit louer que les trois personnages vont déambuler, les deux hommes ayant volé chacun une clé de cet appartement. Lieu vide et silencieux donc, contrastant avec le bruit assourdissant de la rue ou du centre commercial dans lequel les personnages gravitent également. Dans Vive l’amour, il ne se dit que peu de choses entre les personnages, même s’ils gravitent dans un univers urbain incroyablement sonore. L'absence de paroles n’est peut-être pas sans lien avec le fait qu’il s’agit d’une société vivant une incompréhension langagière entre Chinois et Taiwanais de souche ou encore qui, à l’instar des autres métropoles du monde, se veut pluri-langagière. Cette dichotomie entre l’absence d’échanges verbaux et le brouhaha de la foule anonyme est particulièrement bien représentée dans la scène de la rencontre entre May et Ah Jung. Dans un centre commercial bondé de monde et bruyant, ils s’approchent sans échanger aucune parole. Tout se passe dans la gestuelle et les regards échangés.

Tout au long du film, le spectateur est un témoin voyeuriste de la solitude de ces trois personnages et de leur désir de combler cette solitude. Tsai Ming-Liang a l’art de montrer ce que les personnages, ainsi que la plupart des gens normaux, veulent cacher. Si aucun de ces personnages n’avoue ses sentiments (May pour Ah Jung et Hsiao Kang également pour Ah Jung), le spectateur, lui, en étant constamment face à l’intimité des personnages, le sait ou du moins le devine. La scène finale où May se réfugie dans un parc d’estrade presque désert pour aller pleurer est probablement une des plus fortes de l’histoire du cinéma. On a affaire ici à une scène de pleurs d’une longueur quasi insoutenable et d’une grande vérité (May, après sa crise, se mouche, s’allume une cigarette, etc) que Camille Nevers définie comme une scène par laquelle « c’est tout le film qui, définitivement et interminablement, se vide »

Il s’agit donc d’un film pessimiste où les touches d’humour se veulent grinçantes. Parfois, cet humour rappelle celui, gestuel, des cinéastes burlesques américains des années 20 (voire la scène où Ah Jung, après l’arrivée inopinée de May, se cache sous le lit et, pendant que la jeune femme se repose, il tente, en rampant, d’atteindre la porte) ou encore celui de comiques modernes (comme Tati) en ridiculisant les sons, les mécanismes et le matérialisme du monde moderne (voire la scène où un téléphone se met à sonner dans l’endroit où Hsiao Kang travaille et que celui-ci décroche plusieurs téléphones alignés sur la table pour tenter de trouver celui qui sonne).

On dit parfois que c’est en parlant du spécifique qu’on touche à l’universel : eh bien, c’est exactement ce que Tsai réussit à faire dans ce film qui décrit avec une telle justesse de ton l’individualisme étouffant des grandes villes et la solitude qui en résulte. Il s'agit d'une société masturbatrice, à la fois au sens littéral et abstrait. Ainsi, la scène où Hsiao Kang se masturbe sous le lit pendant que, juste au-dessus de lui, Ah Jung et May font l'amour (rappelant une scène tout aussi subtile du Silence de Bergman) ne fait que renvoyer à d'autres scènes où les personnages tentent de se donner du plaisir à eux-mêmes, d'une façon ou d'une autre, sans pouvoir le partager avec quelqu'un. La masturbation n'est pas ici une étape vers une autre forme de sexualité, mais bien la seule alternative possible, comme la solitude n'est pas un appel à l'autre, mais une sorte d'espace psychologique infranchissable.

Le cinéma d’auteur de Taiwan est, comme on peut voir, fort diversifié et offre plusieurs points de vue de la société taiwanaise : que ce soit les villageois de Hou Hsiao-Hsien, les exilés de Ang Lee ou les jeunes citadins ressemblant à ceux des grandes villes occidentales chez Tsai Ming-Liang, ce sont tous des portraits que l’on peut retrouver grosso modo dans la société taiwanaise dans son ensemble. Chacun de ces cinéastes ont su, à mon sens, traiter de façon personnelle la société dans laquelle ils vivent (ou ont vécu) et rendre compte, par chacune de leur approche individuelle, de la complexité de la société taiwanaise.

Notons quelques-uns des prix prestigieux qu’ont reçu ces cinéastes : en 1989, Hou Hsiao-Hsien reçoit le Lion d’Or à Venise pour son film Cité de chagrin (Pei-ch’ing ch’eng-shih) et, en 1993, il gagne le Prix du Jury à Cannes pour The Puppetmaster (Hsimeng rensheng), alors que son compatriote Ang Lee reçoit l’Ours d’Or à Berlin pour The Wedding Banquet (Hsi yen). Pour ce qui est de Tsai Ming-Liang, il reçoit, en 1994, le Lion d’Or à Venise pour Vive l’amour (Aiqing wansui), alors que son film La Rivière (He liu) obtient l’Ours d’Argent à Berlin en 1997.

     BERGERON, Régis, Le cinéma chinois :1984-1997, Institut de l’image, Aix-en-Provence, 1997.
     CIMENT, Michel, « Entretien avec Tsai Ming-Liang », dans la revue Positif, nos. 439,sept.1997, pp.13-21.
     DARIOTIS, Wei Ming/FUNG, Eileen, « Breaking the Soy Sauce Jar : Diaspora and Displacement in the Films of Ang Lee », dans Transnational Chinese Cinemas :Identity, Nationhood, Gender, éd. par Sheldon Hsiao-Peng Lu, University of Hawai’i Press, Honolulu, 1997, pp. 187-220.
     HERPE, Noël, «La rivière :En ma fin est mon commencement»,dans la revue Positif, nos.439, sept.1997, pp 13-21.
     LALANNE, Jean-Marc, « Histoire d’eau : La Rivière de Tsai Ming-Liang », dans la revue Les cahiers du cinéma, nos. 516, sept. 1997, pp.33-37.
     LÜ Tonglin, « L’enfance, la maturité et la mort : la formation d’une identité nationale problématisée », dans la revue Cinémas (numéro sur Le nouveau cinéma chinois), vol.3, nos.2-3, Université de Montréal, printemps 1993.
     NEVERS, Camille. «L’amour mon cul » (critique du film Vive l’amour), dans la revue Les cahiers du cinéma, nos.490, avril 1995, pp.34-43.
     Paseyro, Ricardo, Taiwan, clé du Pacifique (Vues sur la Chine nationaliste), Coll. Perspectives internationales, Éd. Presses universitaires de France, Paris, 1986.
     Tay, William, « The Ideology of Initiation :The Films of Hou Hsiao-Hsien », dans New Chinese Cinemas :Forms, Identity, Politics, Cambridge University Press, 1994, pp.151-159.
     YIP, June, « Constructing a Nation :Taiwanese History and the Films of Hou Hsiao-Hsien », dans Transnational Chinese Cinemas :Identity, Nationhood, Gender, éd. par Sheldon Hsiao-Peng Lu, University of Hawai’i Press, Honolulu, 1997, pp.139-168.





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