Dès leur premier album, les Islandais Sigur Ros ne laissèrent pas indifférents, adulés par les uns, décriés par les autres qui virent dans le langage qu'ils ont inventé un simple coup publicitaire. Les deux camps semblent avoir raison. Sigur Rose est bizarre mais doté d'une beauté étrange. Leur musique à la lenteur quasi-comateuse vous fera soit rêver et pleurer soit vous fera appuyer sur le bouton « Stop ». Ils chantent avec émotion en « Hopelandic », un nom sérieux pour une langue inventée. Mais le truc semble marcher puisque leurs vocaux, à l'image de cette langue, ont une naïveté émotionnelle, aigus et hurlants comme un instrument que l'on viendrait de déterrer. Leur musique est-elle accessible ? Pas vraiment mais au moins ils ne font pas semblants.

Leur nouveau disque intitulé () et ne contenant que des chansons sans titres, ce qui énervera sûrement leurs critiques les plus ardents, recèle le même genre de joyaux qui créèrent la surprise sur leur premier album. Malheureusement, c'est où la sagacité de ces nihilistes semble s'arrêter. Même si vous ne considériez pas Sigur Ros comme un groupe d'illusionnistes sur Agaetis Byrju, il faut avouer que leur côté innovateur avait beaucoup à voir avec un certain impact. Leur musique extra-terrestre, rafraîchissante et sublime, savait vous toucher et semblait explorer des contrées encore inconnues. Cette fois-ci, les chansons glissent au lieu de s'élever. Le piano et les violons tintent gracieusement mais les rares arrangements manquent de chaleur et le tout souffre par sa longueur et sa froideur. L'absence de paroles crée une barrière ici, ressemblant plus à une blague pour étudiant en art qu'au travail de vrais musiciens.

() n'est pas pour autant dénué de moments majestueux — certains arrangements approchant la perfection sur le sixième morceau — mais trop souvent des chansons de plus de six minutes ne mènent nulle part. Cela vaut-il le coup ? Pour les fans oui. La beauté créée par Sigur Ros est unique. Pour les néophytes, Agaetis Byrjun semble cependant un meilleur choix. Malheureusement les critiques qui semblent avoir résisté à l'originalité de Sigur Ros n'ont pas tout à fait tort.

  Laura Tiffany