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Interview de Alexander Hacke - Einstürzende Neubauten
par Moland Fengkov et Sandrine Marques

Plume noire : Vous êtes connu sous le nom de Alexander Hacke mais encore sous celui de Alexander Von Borsig.

Alexander Hacke : Alexander Von Borsig est un nom que je me suis attribué au début des années 80. C'était très courant à l'époque que de se choisir un nom de scène, endosser une nouvelle identité. Borsig est le nom d'une grande usine qui construit des locomotives.

P.N : Pourquoi n'utilisez-vous plus ce pseudo ?

A.H : Quand j'étais adolescent, je portais des lunettes et je jouais avec des instruments de musique électronique. Ca me donnait un cachet un peu aristocratique. De nos jours, on s'en fout ! (rires). J'ai renoncé ensuite car " Hacke ", mon patronyme me convenait aussi bien. Quand vous absorbez des substances, on dit que vous êtes " hacke ", stone, si vous préférez !

P.N : Le logo de votre groupe Einstürzende Neubauten est célèbre. Quelle en est sa signification ?

A.H : Il a été découvert par Blixa Bargeld qui possède un livre sur les symboles de l'époque jurassique. Ce qui nous plait dans ce symbole, c'est qu'il ressemble autant à un homme qu'au monde et à ses différents niveaux : les jambes représentent la terre, la tête, le ciel et le point au centre figurerait le soleil. On a retrouvé exactement le même symbole dans une grotte mexicaine. Je vais entreprendre un voyage d'ailleurs pour voir cette grotte. Ce logo a signé notre identité visuelle et notre notoriété. Des gens se le font tatouer sans même nous connaître ! On n'a peut-être pas vendu autant d'albums que certains groupes, mais le logo est très couru ! (rires).

P.N : Neubauten est né dans un contexte d'industrialisation. Votre musique a-t-elle encore un sens à l'heure de la post industrialisation ? Quelles sont ses relations avec le temps présent ?

Alexander HackeA.H : Les années 80 étaient dédiées au punk, au new vave, musiques qui se voulaient révolutionnaires mais qui ne l'étaient pas tant que cela car elles recouraient aux instruments traditionnels. Nous voulions créer une musique qui aille plus loin et paradoxalement, nous nous sommes tournés vers quelque chose de primitif. Au début, Neubauten était davantage une explosion d'émotions. Une grande partie de notre travail était basée sur l'improvisation. D'ailleurs, Blixa a commencé par hurler dans le micro. Plus tard, il a intégré des paroles. Vous devez comprendre que quand on a débuté, on était assez jeunes. J'avais quatorze ans et méconnaissait l'histoire de la musique. Pas mal d'idées qu'on avait eues à cette époque là relevaient de concepts connus. Nous voulions ouvrir un champ plus large. Tout pour nous peut être musique, ce qui revient à dire que le musique n'existe pas, approche nihiliste s'il en est ! La musique concrète nous avait devancés et tout cela date d'il y a 25 ans. Depuis, nous nous consacrons à l'expérimentation. On s'essaye à divers matériaux, enregistrements, structures.

Pour revenir à votre question, le monde change et les techniques. Nous avons utilisé des sample, des sons ambiants comme autant de " happening ". Toutes ces idées appartiennent dorénavant à une culture populaire. Ecoutez n'importe quel morceau de R'NB ou de hip hop, ce sera difficile d'en trouver un dénué de sample. Notre objectif n'est plus de choquer ou de susciter la controverse. Pour y parvenir, il nous faudrait explorer d'autres voies. Dans cette société du flux, le silence serait la vraie provocation. D'où notre album Your Silence is sexy et dans lequel, il y a une longue plage muette en plein milieu du morceau éponyme. La diffusion à la radio est par conséquent impossible.

P.N : Vous avez donné un concert célèbre ici à Paris, au Forum des Halles, où vous utilisiez des marteaux-piqueurs.

A.H : Nous avons utilisé beaucoup d'outils, mis le feu sur scène. Dans les friches où nous jouions, en présence d'un public restreint, nous lancions des cocktails molotov. Pour éviter de tomber dans le système, nous avons cessé d'y recourir. Pour revenir à ce concert que vous évoquez, Andrew, le percussionniste de l'époque, s'est retrouvé encerclé par des membres de la sécurité et on s'est dit qu'on allait avoir des problèmes, mais le directeur du Forum des Halles, un vieux monsieur nous a présenté un marqueur pour que l'on appose un autographe sur le mur. On donnait aux outils une nouvelle identité artistique. Aujourd'hui, on travaille encore avec des objets de récupération. Récemment, nous étions à Zagreb et nous nous sommes arrêtés au bord de la route pour charger tout un tas de tuyaux à qui on a fait faire le tour du monde. C'est le concept de l'âme éternelle : ce bout de plastique finit sa vie de bout de plastique pour renaître comme instrument de musique.

P.N : la formation de Neubauten a évolué au courant des années 90, avec le départ de deux membres clés. Cela a-t-il eu des répercussions sur votre travail ?

Alexander HackeA.H : Oui, c'était à l'époque de notre album Ende Neu - une nouvelle fin. On avait le sentiment d'avoir fait le tour des possibles. En 2000, nous avons fêté nos vingt ans d'existence et pris un an de congé. Après cette parenthèse, nous avons exploré une autre voie qui a vu la création d'un site internet, fondé sur une souscription de 35 euros pour financer une nouvelle production. Au-delà de la création s'est développée une vraie communauté. Dans les forums, nous n'avions pas que des rockeurs, mais aussi des professeurs, des philosophes. Les internautes pouvaient nous voir travailler en direct sur notre nouvel album. On s'est dit ensuite que ce n'était pas très juste que seuls les souscripteurs, qui ont reçu un DVD, puissent profiter de notre travail, alors nous sommes repartis en tournée en 2004 : 70 concerts dans 50 villes et 20 pays en trois mois ! Nous reprendrons le travail en 2006 avec Neubauten

P.N : La vitalité de Neubauten tient-elle aux différents side projects de ses membres ? Parlez-nous de votre album Sanctuary.

A.H : Oui, ça nous donne une grande liberté. Je ne pourrai pas faire la musique que je fais avec Neubauten et inversement. Mon dernier travail solo, Sanctuary est un " road record ", à l'instar d'un road movie. Une démarche minimaliste. Je me suis entouré d'une petite équipe et l'album s'est fait au fil des paysages et des personnes rencontrés. J'en ai profité pour rendre visite à mes amis musiciens à travers la planète. A chaque étape, j'ai travaillé sur le matériau que j'avais enregistré avec eux, le mutilant, le réarrangeant. Pour moi, travailler avec des artistes éparpillés dans le monde et issus de background musicaux très différents revient à créer un nouvelle géographie. Sanctuary est un lieu où vous êtes protégés des influences extérieures. C'est aussi une nouvelle demeure pour ces bouts de musique collectés de par le monde et qui forment mon monde imaginaire, intime. Mon travail est hétérogène : je veux créer des frictions, inventer d'autres saveurs en les combinant entre elles.

Propos recueillis lors de l'Etrange Festival, le 11 septembre 2005


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