Zidane / Substitute movie review DVD critique de Zidane / Substitute



 

 



Zidane / Substitute review

Zidane / Substitute

:. Réalisateurs : Philippe Parreno, Douglas Gordon
:. Acteurs : Zinédine Zidane, Vikash Dhorasoo


De l'omniprésence sur la pelouse de Zidane à l'absence virtuelle, remplaçante - jusque dans les salles de cinéma de province - du Substitute, le cinéma artistique convoque à travers son opposé le plus farouche, le sport, une vision authentique, inédite de ses acteurs.

Objet filmé dans le premier film et sujet filmant dans le second, Zinédine Zidane et Vikash Dhorasoo, pourtant identiquement joueurs de football, s'opposent à la caméra, vis-à-vis de la caméra : le premier, acteur involontaire (mais consentant) d'une expérience artistique -la retransmission fidèle des quatre-vingt dix minutes d'un match de football du seul point de vue de l'un de ses joueurs- offre son corps, son jeu, son visage et ses expressions à deux grands noms de l'art contemporain, Douglas Gordon et Philippe Parreno, reconnus pour leur implication dans le cinéma (en hommages décalés, temporels, au cinéma noir et blanc chez Gordon; en plans fixes, intemporels et chromatiques dans le cas de Parreno); le second, joueur remplaçant pour l'équipe de France lors de la dernière Coupe du Monde de Football, prend en main la caméra sous la direction / l'aide / le conseil de Fred Poulet, musicien hors norme, pour rendre compte de son absence flagrante à l'image cathodique de la rediffusion des matchs.

Décalage des points de vue (l'un à l'intérieur du match, l'autre en dehors) comme des rôles, comme le décalage des personnalités s'impose à l'écran : Zidane en association systématique, obligée au sport qui l'a construit face à un Dhorasoo surmédiatisé en regards noirs langoureux vers une caméra qui ne demande qu'à le sortir du jeu; de fait, on verra dès la première semaine d'exploitation de Zidane nombre de copies du film pourtant clairement lié au circuit artistique contemporain (sponsor d'agnès b, d'Yvon Lambert, etc…) dans les salles de cinéma de Paris et de province, tandis que Substitute se contentera d'une distribution élitiste, préférentielle (circuit des festivals) et hélas en contradiction avec la campagne publicitaire mise en œuvre.

Car si Zidane déçoit son auditoire sportif, frustré de l'absence de plans larges et du possible suivi de l'action sur grand écran, Vikash Dhorasoo lui est d'ores et déjà adopté par le petit écran comme le symbole du sportif sensible, beau jusqu'à la limite de sa féminité involontaire, le cheveu bleu tant il est sombre et l'œil de biche victime et séducteur à la fois : Substitute souffre de la frustration qu'il exerce sur un public différent, acquis à la cause du remplaçant-mannequin, prêt à le suivre dans son existentialisme de touche, quand le fan de football, ravi en premier lieu de l'image géante de son Zizou idolâtré, regardera sa montre pendant la deuxième mi-temps d'un match qui n'en est pas un.

Il faut revenir justement sur la prouesse cinématographique que représente Zidane: son parti pris, tout d'abord, de ne garder à l'écran que le sujet en se moquant délibérément de l'action. Ce serait, en extrapolant le procédé, suivre un western ou un policier sur l'unique positionnement de son personnage principal, emblématique, en saisir la substance à travers les expressions de son visage et la chorégraphie de ses mouvements : passée la première lassitude, celle qui forcément vient chercher le spectateur dans la prise de conscience du spectacle qui lui est offert (de même que dans un musée, une fois l'essence et l'enjeu du procédé enregistré, peu de visiteurs prennent la peine de regarder l'œuvre -vidéographique, s'entend- jusqu'à son terme), combien on s'étonne à suivre le match dans le regard du joueur élu, dans ses mouvements d'humeur, dans les emballements de la foule; combien on se surprend à comprendre quelque chose d'inédit au football, le déplacement particulier (parfois proche de la danse) des joueurs et des juges de ligne, en mesure, en cadence; combien on en viendrait à espérer qu'un autre sport (un match de tennis, un cent mètres en natation) soit filmé de la sorte, au moins une fois, pour que l'on en saisisse enfin la matière première, brute : l'homme au sein de l'action.

Epinglé comme un insecte par un entomologiste, Zidane porte en chemin de croix le match sur ses épaules, son nom étalé d'une omoplate à l'autre qu'il ne peut fuir malgré des pointes de vitesse soudaines et magnifiques qui tissent le ballon autour de ses chaussures noires et rouges, en veuves noires impitoyables, létales.

L'image, extraordinaire de cadrage, de justesse, de proximité aussi, servie par un son aux petits oignons, tant dans la musique entêtante de Mogwaï que dans ses silences et ses reprises, termine de convaincre : Zidane est un bijou inestimable qui dépasse de loin l'hommage que le monde du football voudrait qu'il soit à l'égard d'un joueur de qualité. En adoptant une posture nouvelle, indéfendable sur le papier (quel scénario tiendrait en effet la route sur la seule présence de son acteur principal?), Douglas Gordon et Philippe Parreno proposent enfin ce dont le cinéma manque le plus : un point de vue.

Substitute n'est pas sorti à Nice, nul doute que son visionnage attendu, impatient, engendrera un nouveau texte, en complément de celui-ci.


  Laurent Herrou


    


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