Brokeback Moutainmovie review DVD critique de Brokeback Moutain



 

 



Brokeback Moutainreview

Brokeback Moutain

:. Réalisateur : Ang Lee
:. Acteurs : Heath Ledger, Jake Gyllenhaal
:. Scénario : Ang Lee
:. Titre Original : Brokeback Moutain
:. Durée : 2:14
:. Année : 2006
:. Pays : USA
:. Site Officiel : Brokeback Moutain


L'étrange perpendicularité des deux protagonistes de Brokeback Mountain, angle droit entre la botte de Jack et le fusil d'Ennis, loin de les rapprocher dans une posture que l'on pourrait voir intime oppose au contraire les deux hommes, dans un rapport actif (Ennis) et passif (Jack), ce que confirmera la première scène de sexe entre eux : Jack se déculotte, tourne le dos et se donne. Ennis le prend, jouit, s'effondre.

Du plaisir de Jack, internalisé, refoulé, on ne saura rien, sinon le désir de répéter la scène, masochisme affirmé dans la série de retrouvailles stériles que vivront les deux hommes tout au long du film. Au-delà du rapport (homo)sexuel espéré, c'est une autre image qu'offre pourtant le réalisateur : sous couvert de tolérance et d'ouverture d'esprit, il perpétue tristement un copié-collé conservateur et attardé des relations amoureuses homme-femme. Jack, le passif, étendu dans l'herbe, s'abîme dans son inutilité quand Ennis, viril, ouvre un œil (et le bon, serait-on tenté d'ajouter).

Le fusil à la main, substitut phallique prometteur, ne laisse là encore aucun doute sur les rôles que chacun jouera au lit (et dans la vie). Si amour il y a ici, c'est un amour conventionnel, subtilement décalé (Ennis se tient quelques centimètres en avant de la position lascive de Jack), jusqu'aux couleurs des vêtements, sombre attirail pour Jack (dont le nom de famille n'est là non plus pas innocent -"twist" signifie en argot "pervers", celui qui initiera la relation. Le blond quant à lui porte un clair habit, des pieds à la tête (d'Adam et d'Eve, souvenons-nous qui a le premier pêché).

Magnifiquement pourtant, la nature reproduit l'angle droit formé par les deux hommes, des chevaux en arrière-plan aux troncs des arbres fièrement dressés, quand la prairie s'étend à leurs racines, rase et accessible.

Beauté d'une image, tendresse d'une étreinte. Soyons beaux joueurs : combien d'années aura-t-on espéré tel photogramme, telle affection au cinéma?

Deux (beaux) hommes ne se sont pas aimés avec autant de précision dans le geste : main de Heath Ledger serrée autour de ce pan inutile de veste lorsque, l'acteur aurait pu se contenter d'une main plate sur le revers du pardessus. La crispation du poing, en veines saillantes, masculines, qui gagnent la manche retroussée par la tension du bras, dessine des reliefs qui se perdent dans l'anatomie (tristement épurée lors des scènes entre hommes). Sourires en coin, tout en plaisir intériorisé. La position des visages dessine un cœur sublime, en frôlant ici la joue, ici le profil, terminant sa pointe dans la main serrée de Ledger (qui sera maître de la relation pendant le film), englobant les têtes, se rejoignant dans l'espace de nature entre les deux hommes.

Pourquoi tant de bruit autour de Brokeback Mountain ? Loin du scandale attendu ou de la révélation homosexuelle (quand "le film n'est en fin de compte qu'une bluette un peu idiote sur deux hommes qui trompent leurs femmes sur vingt années), c'est à ce genre de cliché qu'il faut imputer l'émotion qui gagne l'Amérique, et au-delà le public international.

Le croisement des chapeaux, qui a déclenché cette mythologie du premier western gay (Jack Twist et Ennis Del Mar gardent des moutons, ils ne sont que bergers), à l'image de la cultissime scène de Rivière Rouge où Montgomery Clift et John Ireland comparent la taille de leur revolver, accouple les symboles typiquement mâles de la culture américaine. La sexualité de Brokeback Mountain n'est pas figurée littéralement dans le film d'Ang Lee. Elle s'insinue par contre subtilement dans ses images, lors des retrouvailles des deux hommes, dans leurs gestes, dans le langage muet de leurs corps habillés (rôle capital du vêtement, la chemise étreinte de la dernière scène vient en écho de cette étreinte-ci).


  Laurent Herrou


    


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