critique du film The Blackout DVDThe Blackout Critique du film






The Blackout














        :: Les Sorties
     :: Sur les Ecrans
     :: Agenda Sorties
     :: Sorties DVD
     :: Guide Previews
     :: Archive Critiques

<-- AdButler 120x90 Code was here -->

Gratuit - Les nouvelles critiques par e-mail
 
Powered by YourMailinglistProvider


The Blackout
Réalisé par Abel Ferrara

The Blackout se présente d’abord comme une banale histoire d’amour entre un acteur (un gros canon hollywoodien) et une actrice. Cette apparente simplicité est rapidement évincée. Ferrara brouille les cartes, il éclate le récit, y ajoute un tas de références et de pastiches cinématographiques, joue très fort sur la mise en abyme et, surtout, présente un personnage de cinéaste (Mickey, joué par Dennis Hopper) qui ne cesse de répéter qu’il tourne un film au présent : « On tourne un film, là ». Vient un temps où le spectateur ne sait plus très bien si ce qu’il regarde est le The Blackout de Ferrara terminé, ou un film en construction (et si tel est le cas, assistons-nous à la création du remake de Nana que Mickey tourne ou à un récit halluciné par Matty, joué par Matthew Modine ?).

Reste que le film que tourne Mickey n’a rien à voir avec celui de Ferrara. Le premier prétend à la réalité (particulièrement en ce qui a trait à la scène de meurtre), alors que le film de Ferrara revendique l’artifice. Ce dernier ne laisse pas la chance au spectateur d’oublier qu’il se trouve devant un film. Pour cela, Ferrara n’a recours qu’à des lieux communs du cinéma (une chambre à coucher, la plage, un bistro, un bar de danseuses érotiques, un bureau de psychanalyste), il multiplie les mises en abyme (il y a une multitude d’incursions d’images vidéo dans le film, mais aussi de toiles, de la notion de jeu et de création) et il renvoie constamment à d’autres oeuvres cinématographiques [et ceci d’un extrême à l’autre, de Godard (la scène en voiture avec Hopper et les faux-raccords - ici souvent amenés avec des fondus enchaînés) et la Nouvelle Vague (les voix off qui se fondent ou continuent à parler après que les personnages se soit tus) à Andrew Blake (la scène près de la piscine, celle où deux femmes se dénudent et se caressent devant la caméra de Mickey) et le film pornographique (la musique et l’esthétique générale ; la scène où Mickey suit Annie#2 avec sa caméra vidéo à l’épaule et en lui disant en voix off : « Va l’exciter ma poule » est très près des films de John Stagliano), en passant par Fellini (l’affiche de )].

Le noeud du film ne se trouve pas dans les déboires affectifs de son héros, dans ses problèmes de toxicomanie ou dans sa lutte avec eux, mais plutôt dans sa relation à son métier. « Je ne fais plus la différence entre la vie et le jeu » dit-il à Annie#2 (ceci dans une conversation en voix off qu’il a avec elle après l’avoir étranglée - mais jouaient-ils ?). Cette différence, c’est au spectateur qu’il revient de la faire. Il doit remettre les différents éléments de la diégèse dans leur réalité respective ; reconstruction laissée totalement ouverte et dans laquelle le cinéaste n’intervient pas afin d’appuyer ou de réfuter certaines des voies envisageables. La référence au de Fellini n’est donc pas innocente. Dans ce film, le montage faisait passer le spectateur d’un niveau de réalité à un autre (niveaux de réalité générés par le cerveau du héros) : de l’existence du personnage, à ses fantasmes, à son œuvre de cinéaste. The Blackout fonctionne exactement de la même façon, à l’exception que la réalité fantasmée et celle appartenant au film en train de se faire ne sont pas générées par le même cerveau : le réalisateur (Mickey) est à la base du processus de création, tandis que l’acteur (Matty) hallucine et fantasme (ce qui est aussi en quelque sorte un processus de création).

Aussi, le film de Ferrara ne repose pas sur un récit, mais sur plusieurs, emboîtés ensemble à la façon de poupées russes : The Blackout raconte une histoire d’amour dans laquelle on tourne le remake d’un film (Nana) dans lequel on raconte une histoire d’amour dans laquelle une femme est étranglée. Dans aucun de ces récits le meurtre n’est une certitude : dans l’extrait qu’il nous est présenté de Nana, il est impossible de déterminer si la victime meurt ; dans The Blackout, Matty ne se souvient pas avoir tué quelqu’un. Le meurtre semble se déplacer d’un récit à l’autre sans jamais se concrétiser dans aucun d’entre eux. Surtout, ce meurtre nous est toujours présenté comme une image (dans Nana, dans le remake qu’en fait Mickey ou dans les rêves de Matty), ce qui porte à douter de sa véracité.

De par ses nombreux renvois au cinéma et sa structure hétéroclite, le film n’est réductible ni à une seule source, ni à un seul genre ; il est constitué d’un foisonnement baroque de styles et de références. Tous ces procédés d’auto-représentation du cinéma amènent (en plus d’une grande incertitude stylistique) le film à se désigner lui-même : Ferrara étiquette le cinéma comme processus audiovisuel de vampirisation. « J’ai l’impression d’être dans un film de vampires » dit Matty. Il ne se trompe que de peu : il se trouve dans un film-vampire. Le film (au sens large), comme le vampire, a le don de métamorphose, de passer d’une forme à une autre et Ferrara fait en quelque sorte de son The Blackout une métaphore de cette capacité de transformation. Au centre de cette métaphore, Nana, classique du cinéma français (Christian-Jaque, 1955) que Mickey métamorphose en une œuvre vidéographique; un film vampirisé qui était lui-même un vampire, adaptation du roman de Emile Zola. Associer le cinéma à la vampirisation démontre que le cinéma, immortel comme le vampire, peut se reproduire à l’infini en se nourrissant de la vie des autres (ici, des autres oeuvres). Ferrara témoigne ainsi d’une crise du cinéma. Celui-ci se replie sur lui-même à tel point qu’il s’en mord la queue, s’inspirant davantage de ce qu’il a été et des autres arts que de la réalité de laquelle il est sensé émerger (ainsi, n’est-il pas tout à fait ironique que Mickey dise de son œuvre :« C’est pas du cinoche, c’est réel ! » alors qu’il tourne un remake ?). Vont aussi dans ce sens l’idée de l’image perdue et la piètre mémoire de Matty quant à ce qu’il fait : lorsque l’on ne se souvient pas l’avoir fait, on peut le refaire sans honte - et il semblerait que le cinéma oublie rapidement . Le personnage joué par Hopper illustre bien cet état de fait lorsqu’il dit : « La question n’est pas si je [le cinéaste] l’ai fait, c’est : est-ce que je m’en souviens... Le plus important c’est : est-ce que toi [le spectateur] tu t’en souviens ? Réfléchi. ».

Ferrara ne se positionne pas sèchement par rapport au deuil de l’originalité que semble porter le cinéma postmoderne, sa réflexion demeure (comme l’ensemble du film) ouverte à l’interprétation. Il s’agit davantage d’une démonstration que d’une tentative de critiquer ou d’excuser la chose.

  Sebastian Sipat


     Chelsea on the rocks

| Info Plume Noire | Contacts | Publicité | Soumettre pour critique |
| Rejoignez-Nous! | Chiffres-clés | Boutique | Mailing List | Charte |

Copyright ©1998-2017 LA PLUME NOIRE Tous droits réservés.



Like Us On Facebook