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Battle Royale















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Battle Royale
Réalisé par Kinji Fukasaku

Avec : Tatsuya Fujiwara, Takeshi Kitano, Aki Maeda, Taro Yamamoto
Durée : 1:54
Pays : Japon
Année : 2000
Web : Site Officiel
Japon. Dans un futur proche, le chômage a atteint 15% des actifs et des centaines de milliers d'écoliers ont rejeté le système éducatif.

Devant l'ampleur du malaise, et pour échapper à la catastrophe, le gouvernement a instauré une nouvelle mesure baptisée « Battle Royale ». Chaque année, une classe de collégiens (des élèves de troisième) est désignée au hasard : ils partiront sur une île déserte. Là-bas, ils devront survivre pendant trois jours, à l'issue desquels il ne pourra en rester qu'un, faute de quoi tous les rescapés seraient exécutés. Il n'y a donc pas d'autre choix que de s'entretuer. Pour cela, on donne à chacun une arme différente (qui va de la passoire au fusil mitrailleur en passant par les grenades) et des vivres. Chacun est libre d'aller et venir sur l'île, mais tous sont repérés en permanence sur une carte par le biais d'un collier électronique émetteur, lequel peut également les tuer en explosant, par simple pression d'un bouton à distance… Le film met en scène un groupe d'une quarantaine d'adolescents (avec leurs amitiés et leurs rivalités) envoyé sur cette île — un dangereux et sanglant séjour les attend.

En dépit de ses erreurs et de ses maladresses, Battle Royale est une mine de thèmes majeurs de la société moderne en général, et japonaise en particulier. En tout premier lieu, on pense bien sûr à Survivor, Loft Story et leurs dérivés, parce que c'est la télévision avant tout qui a enfanté Battle Royale. Le voyeurisme dont elle a fait preuve de plus en plus dans les dernières années trouve ici un accomplissement ultime.

C'est d'autant plus édifiant que le voyeurisme du téléspectateur moderne est indissociable d'un certain sadisme sous-jacent. Ainsi le plaisir qu'il prend à voir éliminer un membre du Loft est hautement malsain puisqu'il concerne l'échec et donc la souffrance d'un individu. Le contentement à 20 h devant un journal télévisé macabre en est un autre exemple classique.

Ceci dit, une différence majeure entre Loft Story et Battle Royale, bien entendu, est qu'ici, le groupe n'est pas constitué de volontaires (à une exception près) ; les jeunes sont choisis selon des critères globalement aléatoires.

Mais qu'ils soient volontaires ou pas n'est pas la clé, parce que dans le film comme dans Loft Story, les protagonistes ne sont pas considérés en victimes. Personne n'a de pitié pour le lofteur qui « craque », les caméras au contraire zooment sur les larmes de l'infortuné. A la télévision, on ne s'est guère soucié des retombées psychologiques (on s'en est rapidement lavé les mains en s'appuyant sur des soi-disant psychologues). De toute façon, pense-t-on généralement, ceux qui sont là-dedans l'ont voulu. Dans Battle Royale, personne ne semble davantage plaindre les malheureux adolescents. La société est malade, et ce sont ceux-là mêmes qui refusent le système et le détournent qui en sont responsables. Ils est donc naturel qu'ils en soient les hosties. Mais certainement point les martyrs. Battle Royale est presque un « Dix Petits Nègres » dans le Japon moderne, une société dont le ralentissement économique et le pessimisme croissant provoquent un enlisement social — dont les corollaires sont le chômage et la violence.

Battle Royale met l'accent sur la montée de la violence en la transcendant, les collèges et les lycées étant les lieux les plus touchés par cette montée préoccupante. Paradoxalement, c'est le professeur qui est l'élément le plus violent, il est même chef du bataillon militaire qui veille au bon déroulement des opérations.

Certes donc, Battle Royale est violent, probablement choquant, souvent sadique (par exemple cette scène où les deux filles qui appellent à la fraternité par haut-parleur sont abattues d'une rafale de mitraillette) ; Fukasaku veut ébranler le spectateur, la société. Il présente un monde fasciste, en guerre contre la jeune génération qui refuse d'aller en cours (un problème très caractéristique de la société japonaise), en décalage complet. En introduction, un texte à l'écran indique notamment que le taux de chômage de cette société japonaise future est de 15%. Il convient de resituer l'impact que ce chiffre peut avoir dans un pays comme le Japon moderne, qui découvre véritablement le chômage aujourd'hui. Dans certains pays, 15% de chômage est malheureusement une réalité. Le taux record actuel du Japon (environ 5%) ferait envie à beaucoup de pays — à commencer par la France et l'Allemagne — mais représente un non-sens et le signe de la fin d'une époque pour de nombreux Japonais. C'est pourquoi la loi Battle Royale est présentée comme une issue inévitable à une crise que rien d'autre ne peut enrayer. Ainsi, éliminer les plus faibles, c'est apporter une solution à plusieurs niveaux. Grand concours ultra-sélectif, solution à la délinquance juvénile et même au chômage (un seul sur quarante survit), elle génère des hommes-machines qui ont supprimé leurs camarades et leurs amis pour survivre : ils seront plus tard des travailleurs idéals (ou idéaux).

Mais dans le film, la conclusion est différente. L'alliance paie, alors que la suspicion et l'individualisme sont punis. C'est tout le paradoxe d'une société qui prône l'esprit de groupe tout en sélectionnant ses membres après une tuerie élitiste dont un seul individu doit sortir.

Fukasaku s'est amusé à tisser des histoires d'amour qui fleurissent au milieu des tueries. Naïves et caricaturales, elles sont des clichés de série TV pour adolescents et tournent court parce que la mort les précipite. On dirait que le réalisateur prend plaisir à les mettre en place pour mieux les démolir. Il en résulte un décalage cocasse et en même temps un malaise indéfinissable. Certains adolescents magnifient les jalousies et les rivalités de leur vie d'avant l'Île, en cette haine qui les conduit aux meurtres. Lesquels sont dépénalisés puisque dans la règle du jeu. Pourtant, Fukasaku ne pousse pas l'humour noir trop avant, dans le sens où il respecte les valeurs d'amitié et d'amour en dépit de l'ambiance suspicieuse qui aurait pu les ternir davantage.

Il reste que la morale du film est difficile à saisir. Qu'ils soient cruels ou innocents, tous meurent. Seule la fraternité est salvatrice. Par exemple, un groupe de filles s'est réfugié dans un phare et s'entraide jusqu'à ce qu'un accident sème le doute et provoque un massacre tragique. Un couple préfère se suicider que de faire partie de cette société-là (ce qui rappelle au passage combien le taux de suicide est élevé au Japon ; le suicide étant aussi présent à travers l'un des jeunes personnages dont le père a choisi de l'abandonner en mettant fin à ses jours).

Ce film aurait pu être digne des plus grands livres et romans de science-fiction. Kubrick avait fait Orange Mécanique, Huxley le Meilleur des Mondes, et avec Battle Royale, Fukasaku aurait eu sa place à leurs côtés si seulement il avait bénéficié d'un récit plus habilement développé. En effet, après un démarrage très brillant, rapide et cynique, vient le temps de la redondance et de l'excès. Les premiers moments, très drôles (Miyamura Yûko, hilarante en instructeur vidéo tout droit sorti d'un jeu, ou bien Kitano Takeshi dans un rôle sur mesure de professeur / bourreau très caustique) laissent graduellement la place aux tueries qui vont se succéder dans un déchaînement de violence répétitif, certes jouissif et voyeuriste, mais systématique. Et les trous du scénario apparaissent (le rôle de Kitano, l'épisode des jeunes travaillant dans le bâtiment désaffecté qui se termine en queue de poisson, etc.). La fin, pas très réussie, ressemble plus à de l'humour de potache, ce qui est d'autant plus étonnant de la part d'un réalisateur de 70 ans. Un peu hésitante, elle n'apporte pas de conclusion et nous laisse un peu seuls avec les nombreuses réflexions que le film nous a suggérées, et tend plus à nous faire croire à la farce, au second degré, qu'à la parabole et à l'allégorie.

La musique, bien qu'écrite rapidement, est très réussie. Parfaitement orchestrée (elle est interprétée par un grand orchestre), elle est le plus souvent tout à fait appropriée, même si, comme le film qu'elle accompagne, elle sombre ici et là dans des raccourcis un peu faciles. Comme la mise en scène en outre, elle aurait gagnée à être un peu moins sage au lieu de souligner l'action avec un sérieux presque excessif.

Reste malgré tout une œuvre très intéressante, qui sera sans doute un film culte dans certains milieux — à ne pas recommander aux âmes sensibles.

  Laurent Ziliani







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