Avec : Dominique Blanc, Ornella Muti, Catherine Frost, Gilbert Melki Durée : 1:56+2:03+1:55 Pays : France/Belgique Année : 2003 Web : Site Officiel Basé sur : Script

Après Georges Lucas et sa trilogie : la Guerre des étoiles, voici un autre Lucas. Alors, bien sûr il est moins spectaculaire… mais tout aussi virtuose. Le nouveau Belvaux est arrivé et c'est un grand cru.

C'est une aventure, une expérience cinématographique nouvelle que propose là le réalisateur, construite comme un véritable jeu de piste mystérieux pour les spectateurs qui s'interrogent sans cesse sur le hors champ et les personnages secondaires de chacun des trois films.

Que deviennent alors les personnages secondaires quand ils sortent du champ ? Voici une question à laquelle Lucas Belvaux répond en créant un mini-événement. Sur 24h, trois couples évoluent dans une même ville Grenoble. Et voilà la force de la trilogie de Belvaux : frustré de ne pouvoir développer suffisamment les personnages secondaires et leurs destins dans ses précédents films, il met ici tour à tour en lumière, en second ou troisième plan, comme chez Balzac, les trois couples de ces longs-métrages : Cécile et Alain, Jeanne et Le Roux, Agnès et Pascal. Le lien évident (bien d'autres se révèlent par la suite) entre les trois films sont les femmes toutes trois professeurs dans le même lycée.

Pari risqué, il y adjoint un travail remarquable sur les films de genre : Un couple épatant est une comédie fantasmagorique, baignée dans une lumière printanière, Cavale est un polar dur et contrasté avec des personnes en fuite permanente (à grands renforts de travellings et plans larges) enrichi d'une réflexion sur la légitimité de la violence politique et Après la vie est un drame sentimental dont la pureté des sentiments constitue l'essence du film, appuyée par des comédiens filmés en gros plans, caméra à l'épaule.

L'autre lien entre les 3 films est le sentiment d'angoisse (voire de paranoïa) qui habite tous les personnages. La souffrance dans les trois couples (le plus proche du thème de la souffrance étant Après la vie) évolue en crescendo. Le spectateur peut d'une façon ludique voir les opus dans le sens qu'il désire ou n'en voir qu'un ou deux(les histoires étant compréhensibles indépendamment).

Il est curieux de se rendre compte que la même scène peut-être drôle dans un film et pas dans l'autre. Parfois, Lucas Belvaux s'aventure à filmer une scène différemment dans 2 des 3 films: il en est ainsi de celle de l'overdose. De plus, les idées que l'on peut se forger concernant un personnage évoluent et parfois changeant complètement d'un film à l'autre. Pascal (interprété par un Gilbert Melki enfin sorti du « Sentier ») dévoile ainsi ses facettes versatiles petit à petit.

La bande-son et la musique composée par Ricardo del Fra ont un rôle considérable dans cette trilogie atteignant son point culminant dans Après la vie avec l'utilisation d'une quantité de bruits (craquements, souffles de souffrance...) et d'une musique extrêmement épurée de 4 cordes de guitare. Pour Cavale, la seule présence d'une contrebasse crée la tension. Dans Un couple épatant, un quatuor de cordes et un orchestre jouent les thèmes des personnages.

N'hésitez pas (si vous avez un peu de temps, soit près de six heures…) à vous livrer à cette expérience inhabituelle assez rare pour être soulignée dans le paysage cinématographique français (et pas seulement…).

  Laurence Nicoli