critique du film Rois et Reine DVDRois et Reine Critique du film






Rois et Reine













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Rois et Reine
Réalisé par Arnaud Desplechin

Avec : Emmanuelle Devos, Mathieu Amalric, Catherine Deneuve, Maurice Garrel
Scénario : Roger Bohbot
Durée : 2:30
Pays : France
Année : 2004
Critique 1

Bonne nouvelle, à défaut de nouvelle vague : Desplechin a fini de se poser les questions de son art à l'avance, en cherchant continuellement une place parmi ses pères (ou ses oncles d'Amérique), pour se les poser en même temps qu'il filme. Problème de filiation ? Qu'à cela ne tienne, Desplechin en fera son sujet ; ce sera Rois et Reine. A tout sujet son énoncé : le scénario. A tout énoncé sa traduction dans le langage qu'il convient. A savoir, ici : problème de filiation égale problème de raccord. C'est peut-être un peu simpliste, presque tautologique pour un cinéaste de traduire les choses ainsi, mais au fond, c'est toujours un problème de traduction qui empêche un film d'être bon. Il suffit simplement de faire confiance à son outil pour que tout à coup, ça se mette à exister. Avec un risque majeur, toutefois : que ses films s'en remettent tout entiers au seul langage, autrement dit au théâtre. Les plus grands ont su résoudre ce problème, et lui qui le sait mieux que n'importe qui, a fini par trouver une solution. En travaillant à partir du théâtre, justement (Léo). Et se disant que la direction d'acteurs est aussi partie d'une mise en scène, leur faire assez confiance pour partir des personnages et non l'inverse (Comment je me suis disputé). Dans Rois et Reine, rien n'existe, ou plutôt ne préexiste en dehors d'eux. Pas de plan de bataille, et surtout une confrontation nette au langage, par où l'excéder dans l'image.

C'est ici que l'on trouve les modèles de Desplechin. Son goût pour la voix off vient de Guitry, laquelle jouait jusqu'à l'absurde une redondance permanente par rapport à l'image, tantôt comiquement illustrative (Le Roman d'un tricheur), tantôt en porte-à-faux, parce que décidément, la violence muette d'une image en dira toujours plus. C'est ça, faire confiance à son outil. Avoir foi dans l'image. Nulle difficulté, dès lors, à jouer du langage jusqu'à l'absurde, jusqu'à son balbutiement, sa crise. C'est quoi le langage chez Desplechin ? C'est se poser, à partir du cinéma, la question de l'altérité, à commencer par ce qui n'est pas lui. Le langage peut être un humanisme s'il sait devenir, disait Deleuze, " étranger à sa propre langue ". Laquelle, disait Barthes, directement assertive, est un code, voire un fascisme. Tenter donc une contre-information à ce qui n'est (le langage) jamais qu'informatif. Plus loin, disais toujours Deleuze, en arriver à la résistance, au sens propre. Ce qui résiste : ici, l'image. Ailleurs, la littérature. Tout ce qui peut excéder la langue, la faire trembler de ne plus se reconnaître, d'échapper au sens pour atteindre une vérité qui ne se dit pas. Eustache faisait " dire " de la littérature à ses personnages, plus exactement en faisait l'équivalent d'un langage, une parole, de telle sorte que l'image, par ricochet, vacillait à son tour, écorchée par une théâtralité tremblante et pleine d'aveux.

Desplechin, lui, fait du langage un lieu d'information, de lisibilité permanente, par où rien, a priori, ne vient excéder quoi que ce soit. Mais quelque chose, dans la sereine tranquillité de l'image, dans sa frontalité mélangée à la déconstruction parfois un peu maniérée du récit, vient nous dire en douce que ce n'est pas si simple. A jouer ainsi l'illustration de ce qui est en train de se dire, par l'absurde en somme, le cinéaste crée un trouble. Voici : Nora (Emmanuelle Devos), s'apprête à vivre l'agonie de son père (Maurice Garrel). Elle ne le sait pas encore, lui offre une gravure de Léda pour son anniversaire. Et lui dit : " J'ai pensé à ça, comme tu enseignes le grec "… Il y a une certaine bêtise à expliquer ainsi le geste, évident pour tous les deux. A ceci près qu'une information passe, à ce moment, pour le spectateur. A ce moment, ils sont en représentation, pour nous, et à travers nous, pour eux : un ridicule discret, une manière pour Nora de ne voir en son père que sa fonction, autrement dit une représentation là encore, infuse un premier tremblement. Il va mourir, et elle ne sait rien de lui. Le " trop dit " approche alors le non-dit, ce que l'image tait et montre, en même temps. De façon plus franche, le tremblé du langage se retrouve, en forme de " syndrome de Tourette ", dans la bouche d'Ismaël (Mathieu Amalric), l'autre pendant du film. Sa violence verbale l'excède lui, au sens propre, le fait sortir de ses gonds en permanence, manière de forcer l'image, de la trembler elle aussi dans son ridicule. D'un côté donc, Nora, plantée dans le plan, égale à elle-même dans une douleur qui dit son nom (le deuil), de l'autre Ismaël, son ex-mari, qui lui ne sait pas mettre un nom sur les choses, sur sa douleur à lui, parce que le sens y déborde, s'abîme dans la folie. Deux manières d'appréhender le langage, de l'inscrire dans l'ordre du cinéma et non plus dans celui du scénario. Deux manières d'appréhender un personnage, de les faire exister chacun de part et d'autre de la collure, où le montage devient montage de désirs, de volontés, qui même contraires, et parce que contraires, s'offre à l'épreuve de l'altérité.

L'autre, beau souci du cinéaste, en tant qu'il peut être adopté aussi, inscrire son hétérogénéité dans un lieu qui lui préexiste. Ainsi de la famille d'Ismaël, dont le père a été adopté, et qui cherche maintenant à le faire. Ainsi d'Elias, l'enfant de Nora, seul lien qui désormais l'unit à elle. C'est là que Desplechin nous touche le plus : magnifique épilogue de la rencontre au musée entre Ismaël et Elias, entre l'adulte qui parle à l'enfant comme à un adulte, et l'enfant qui réagit comme un enfant. Jamais la scène ne cherche à les rapprocher, et pourtant, parce que la différence est nommée par Ismaël (" tu es un enfant, moi un adulte, ce n'est pas la même chose, on ne peut pas être amis "), ces deux-là existent bien ensemble, hors de toute prostitution de l'un à l'autre, d'abord parce qu'en dehors de l'amitié (forcée par la cohabitation) ou de la paternité, ce lien trouve sa vérité, où l'adulte demande à l'enfant de le choisir et non l'inverse. A ceci près qu'il faut du temps : à Nora qui lui demande comment ça s'est passé, Ismaël répond : " je ne sais pas ". Autrement dit, ce qu'il a dit à l'enfant n'a pas encore porté ses fruits, il faut être réaliste. Il a parlé en adulte, il faut attendre que cette parole d'adulte fasse son chemin. Ce que fait le film : ouvrir une voie possible dans la durée qui l'excède, rendre ses personnages à la vie. L'impression, avec tout ceci, que Desplechin parle aussi en adulte, enfin

  Sébastien Bénédict


Critique 2

Que ceux qui avaient encore des doutes sur la santé du cinéma français soient rassurés car le nouveau long-métrage d'Arnaud Desplechin apporte une réponse radicale en s'imposant comme un des films phares de l'année. Alors que beaucoup de cinéastes actuellement se réfugient dans le dépouillement et le hiératisme ankylosant voulant incarner à eux seuls une certaine tendance du cinéma, Desplechin, lui choisit le mouvement perpétuel et constant, celui de la vitalité. Celle du cinéma bien entendu.

Mais il s'agit aussi dans Rois et Reine de vies, d'existences humaines qui vont se croiser, se télescoper, s'entrechoquer. D'un côté l'histoire de Nora, jeune femme, qui s'apprête à se marier pour la troisième fois dans sa vie mais dont le père est gravement tombé malade et proche de la mort. De l'autre côté Ismaël, un trentenaire, qui vit seul dans son appartement et qui va soudainement se retrouver en hôpital psychiatrique pour avoir eu la malheureuse idée d'être sorti une fois dans la rue vêtu d'une cape. Aucun point commun en apparence entre ces deux personnages. En dehors du fait que Nora a un fils, Elias, issu d'une première relation et dont s'est occupé Ismaël qui, en ce temps là, était marié avec Nora.

Et pourtant le film ne cesse jouer sur les différences. L'histoire de Nora convoque la tragédie, le (mélo)drame, les pleurs tandis que celle d'Ismaël prend le chemin du burlesque et le folie comique digne des Marx Brothers. L'antinomie se prolonge même jusque dans le titre. Rois et Reine s'opposent non seulement par leur genre mais aussi par leur nombre. Leur genre car le film de Desplechin est une jolie parabole sur les rapports de sexe, les différences entre hommes et femmes dont la scène illustrant le mieux le thème n'est autre que celle où Ismaël face à la psychiatre explique que les femmes n'ont pas d'âme comme les hommes, qu'elles vivent dans des petites bulles tandis que les hommes, eux, sont sur la ligne droite, ils vivent pour mourir alors qu'elles, vivent tout court ! Le nombre parce que l'on se rend compte que les hommes sont majoritaires par rapport aux femmes mais surtout autour du personnage de Nora. Elle se retrouve seule face aux graves événements qui la touchent, seule elle se retrouve avec son fils et son futur mari pour affronter la mort prochaine de son père, seule dans un monde d'hommes.

La différence entre ces deux destins se renforcent par les effets de montages, privilégiant la plupart du temps, le " jump cuts ". Ainsi le film passe d'une histoire à l'autre sans prévenir, d'un coup d'un seul l'on se retrouve plongé tantôt dans le désarroi de Nora tantôt dans le délire d'Ismaël. Force et faiblesse se conjuguent alors et donnent à voir toute la complexité de l'âme humaine dans ses tréfonds et ses contours. Desplechin fait parfois naître des émotions totalement contraires dans une même scène en une fraction de seconde. Toujours sur le fil du rasoir comme la raison prête à tout moment à basculer dans la folie.

Ainsi le film se voit comme une véritable épopée folle orchestrée de main de maître sur un rythme échevelé. Biblique le film l'est certainement. Rois et Reine baigne dans un flot de références. Le prologue du film fait allusion à Zeus tandis qu'une partie de la fin a lieu dans le Musée de l'Homme avec toutes les références que cela suppose. Mais aussi et surtout ce musée de l'Homme se voit comme le lieu de la réconciliation, celui de l'homme avec son passé, thème central du film où les alliances et filiations des personnages s'entremêlent pour former un nœud indéfrichable, véritable moteur du film.

Encore et toujours le mouvement. Peut-être y a-t-il avec tout cela une filiation nietzschéenne ? Car ce que Nietzsche appelait Volonté de puissance ce n'était pas vouloir la puissance car la puissance n'est pas ce que la volonté veut mais ce qui veut dans la volonté (c'est-à-dire Dionysos). De haut en bas, la volonté de puissance est affirmation, affirmation de la différence, jeu plaisir et don, création de distance. Les bons mouvements se font de bas en haut. Ainsi les personnages de Desplechin vont d'un extrême à l'autre, de la drôlerie au drame. Nora reste le personnage emblématique du film. Elle a connu le malheur et elle fait le choix admirable de dire qu'elle préfère maintenant la légèreté à la douleur. C'est cela l'affirmation. Et en cela Rois et Reine est un film vertigineux.

  Julien Dufour


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