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Quills
Réalisé par Philip Kaufman

Avec un sujet aussi brûlant, le Marquis De Sade, il aurait été facile de faire de Quills un film voyeuriste et gratuitement choquant ou au contraire, un pamphlet puritain et condamnateur. Philip Kaufman (L'Insoutenable Légèreté De L'Être) évite le piège de la facilité pour composer une magnifique ode à la liberté d'expression.

Geoffrey Rush interprète le marquis alors interné à l'asile de Charenton et bénéficiant de conditions privilégiées grace à l'amitié bienveillante du maître des lieux, l'abbé Coulmier incarné par Joaquin Phoenix. L'homme peut ainsi s'adonner à sa passion de l'écriture et transmet ses manuscrits à son éditeur par le biais d'une femme de chambre et admiratrice, Madeleine (Kate Winslet). Le succès de son roman majeur Justine arrive jusqu'à l'entourage de Napoléon qui envoie à Charenton son meilleur laveur de cerveaux, le Dr. Royer-Collard (Michael Caine) dans l'espoir de ramener l'écrivain dans le droit chemin.

Il ne faut cepandant pas voir en Quills un film bibliographique ou une reconstitution historique. La pièce sur laquelle le scénario est basé est une oeuvre de fiction. Justine ou Les Crimes De L'Amour n'ont pas été écrits durant l'incarcération de l'auteur et la plupart des personnages sont fictifs et n'ont de raison d'être que de servir les fins du réalisateur.

Trop souvent Sade a été assimilé à un vulgaire pornographe. L'homme était un libertin dont les frasques, plus que les livres, ont été à l'origine de ses démêlés avec la justice. Ses ouvrages sont certes salés, mais son écriture est riche et étincelante tandis que ses livres recèlent toujours une dimension philosophique. Son oeuvre est avant tout le reflet de la décadence de la noblesse et de la société de son époque. L'homme assume sa perversité, mais surtout projète au grand jour le vice de ses pairs. Il révèle ce qui se cache derrière l'apparente bienséance de la noblesse et de la cour. D'où le succés de ses livres auprès du peuple et le danger qu'il représente pour les puissants.

Kaufman qui a su cerner ces différents enjeux, joue donc la carte de la neutralité vis-à-vis de son personnage principal. Ni il ne le condamne, ni n'en prend la défense. Il dépeint Sade comme un être pervers mais héroïque, tandis que sa caméra l'approche avec une certaine dérision, mais aussi avec de l'affection. Les écrits n'ont que peu d'importance et la caméra ne s'octroie à aucun moment le droit de juger Sade. La démarche du réalisateur est ailleurs: Sade n'est qu'un véhicule pour son ode à la liberté d'expression et contre l'hypocrisie.

Le droit à la liberté d'expression est le fil conducteur du film. Quills se résume en fait au combat d'un homme qui tente de conserver ce droit. N'importe quelle dictature contemporaine aurait pu servir de fond. En choisissant Sade et la France révolutionnaire des droits de l'homme, Kaufman dépolitise son sujet qu'il rend universel. Il met aussi en cause l'hypocrisie de sociétés dîtes démocratiques.

Tel un oiseau en cage, Sade continue à écrire sa prose colorée tandis que le Dr Royer-Collard tente de le faire taire par tous les moyens. Le marquis qui se voit enlever tout moyen d'expression, trouve à chaque fois une parade pour préserver son droit et continuer à écrire. Lorsque plumes et papier lui sont retirés, il a recours à des os et ses draps. Lorsque tout son mobilier lui est enlevé, il écrit sur ses vêtements. Lorsqu'on le met à nu, il use la parole pour communiquer ses textes à ses voisins de cellules qui les confient à Madeleine (une des scènes les plus fortes du film). Lorsqu'enfin on lui coupe la langue, il écrit avec ses excréments. L'homme est donc héroïque dans son combat et qu'importe ses mots, son droit prévaut contre la censure. Mais les allusions du film à la liberté d'expression ne s'arrêtent pas là. Celle-ci est symbolisée dans le personnage de Madeleine. La femme de chambre maintient son droit en faisant passer ses manuscrits à son éditeur. Le fait qu'elle soit vierge montre que son action vise plus à préserver cette liberté qu'à promouvoir les écrits pervers du marquis. Elle symbolise aussi la pureté de cette liberté qui sera d'ailleurs sacrifiée à travers elle (en parrallèle avec Sade).

L'abbé et surtout le Dr symbolisent quant à eux la lâcheté et l'hypocrisie. Si l'abbé personnifie la lâcheté des "passifs", le Dr symbolise l'hypocrisie du paraître que Sade dénonce dans ses livres. L'homme se veut respectable et défenseur de la vertu mais s'avère être amateur de jeunes filles dans l'intimité. La pièce montée par le marquis le moque ouvertement (Les Crimes de L'Amour) confirmant par la même que ses livres ne sont que le reflet de la société et représentent un danger aux yeux des puissants (paragraphe 4).

La forme est quant à elle à la hauteur du fond. La réalisation est soignée et comporte des scènes très fortes, de l'ouverture avec sa guillotine au fameux passage du texte à travers la chaîne de détenus en passant par le rêve nécrophile de Coulmier. Le ton oscille entre dérision et drâme. Les dialogues sont riches et vifs tandis que la caméra évite de sombrer dans un voyeurisme trop aguicheur. Rien ne serait pourtant possible sans la performance des acteurs. Geoffrey Rush fait un véritable tour de force dans un rôle difficile. Il passe habilement entre les différents états de son personnage. Lubrique ou ironique, charmeur ou répulsif, victime ou héroïque, il parvient toujours à préserver la dignité du marquis. Avec ce film le discrêt Rush se hisse au sommet de ses pairs. Michael Caine est évidemment impéccable dans la droiture de son paraître et la faiblesse de son vice. Kate Winslet apporte sa fraîcheur à un monde répugnant tandis que Joaquin Phoenix montre une autre facette de son jeu, tout en retenu dans un rôle bienveillant, avant qu'il ne sombre dans un registre où il excèle.

Quills est probablement l'oeuvre majeure de cette année 2000. Un film qui arrive à point nommé et non innocemment dans un univers cinématographique rongé par la censure. Tandis que le cinéma européen tente de faire tomber au nom du réalisme un de ses derniers tabous, le sexe vrai à l'écran, et que la puritaine et sénile MPAA américaine n'hésite pas à couper des oeuvres de réalisateurs majeurs tout en laissant se propager un cinéma lobotomisé, le message de Phillip Kaufman est clair: le droit à la liberté d'expression est un droit inaliénable quelque soit la nature de son contenu.

  Fred Thom






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