Avec : Catherine Deneuve, Gérard Depardieu, Gilbert Melki, Lubna Azabal Scénario : Pascal Bonitzer Durée : 1:30 Pays : France Année : 2004

Soucieux des murmures du monde, Téchiné (ré)concilie dans un même plan l'intime et le politique. Plus que les retrouvailles attendues entre deux monstres sacrés — Deneuve et Depardieu — Téchiné livre un film nostalgique, traversé de part en part par un regard aigu sur l'époque et la question de l'exil et du déracinement.

Ils se sont aimés passionnément puis se sont séparés. Des années plus tard, l'homme entreprend la reconquête improbable de celle qu'il n'a jamais pu oublier. Ingénieur, il se fait nommer à Tanger où l'élue de son cœur a fondé une famille, aux assises finalement bien fragiles.

Choral, le film de Téchiné s'attache aux atermoiements identitaires de personnages tiraillés entre deux cultures (le Maroc et la France), deux amours, deux choix de vie, quand ils ne sont pas intrinsèquement doubles (les jumelles incarnées par Lubna Azabal, le fils bisexuel). Tout en fêlures, Depardieu impressionne par sa capacité à nous émouvoir encore, corps gourd et maladroit, en constant décalage, presque un personnage burlesque si on n'y prenait garde.

Le temps, qui donne son titre au film, travaille en creux la narration, fait et défait les liens. Chez Téchiné, tout est mouvant. La part d'immuable revient aux sentiments. Il y a quelque chose d'intangible dans Les Temps qui changent mais aussi de résolument moderne dans le même mouvement. Téchiné s'inscrit dans la tradition d'un cinéma français classique, auquel il ne manque pas d'ailleurs de rendre hommage.

Pour autant, son cinéma est ouvert au contemporain, à l'expérimentation formelle, à l'accident. Le film s'ouvre sur un ensevelissement, au propre comme au figuré. La mort et la folie ne sont jamais très loin chez Téchiné. Ce flash forward est la scène pivot autour de laquelle s'articulent les destins individuels. L'ésotérique se mêle, in fine, de rapprocher les âmes esseulées. Les amants se retrouvent, comme on retrouve l'éternité.

  Sandrine Marques