977 movie review DVD critique de 977



 

 



977 review

977

:. Réalisateur : Nikolay Khomeriki
:. Acteurs : Leos Carax, Yekaterina Golubeva
:. Scénario : Nikolay Khomeriki
:. Titre Original : 977
:. Durée : 1:27
:. Année : 2006
:. Pays : Russie


Premier film métaphysique et abscons, 977 narre une singulière expérience scientifique. Dans un institut interlope isolé au cœur d'un océan sylvestre des universitaires développent une machine permettant de mesurer le flux émotionnel de leurs congénères. Ivan, jeune chercheur enthousiaste, débarque pour prendre en charge un groupe de volontaires où évolue la spectrale et déconcertante Rita. Aux côtés de sa sémillante collègue Tamara il va lentement dériver au sein du dispositif, jusqu'à son propre évanouissement.

D'emblée le long métrage choisit de cheviller sa déroutante étrangeté à sa mise en scène pour livrer un dédale d'atmosphère, ogre volatile contrarié, bien plus qu'un récit tangible. En auscultant jusqu'au tournis la subjectivité de sa caméra le cinéaste analyse la notion même de distance - réduction progressive de l'horizon d'Ivan à mesure qu'il périclite, que ses verrous mentaux s'infléchissent. Lors de la rencontre avec Rita dans la bibliothèque par exemple l'interstice focal s'impose avant tout comme ontologique. Un fossé incertain, brouillé par les velléités de l'objectif à pénétrer les matériaux ou à s'insinuer dans la moindre embrasure ou texture (travelling et zooms éprouvant les conventions) et s'employant moins à réfuter qu'à ruminer la fraction somatique de l'oeuvre.

Car il s'agit d'accompagner un processus de dématérialisation du physique au profit du spirituel (mouvement ascensionnel). Et tout naturellement la caméra est en avance sur les protagonistes. Omnisciente et omnipotente elle creuse l'espace (écran de surveillance retranscrivant les émanations de l'expérience) pour lever le voile sur des éléments invisibles de prime abord, épiant ou écoutant. La dislocation temporelle (blocs sécables et évaporation du corps lorsque l'horloge disparaît) ou l'utilisation inspirée du montage participe à l'oscillation de l'ensemble, entre transcendance et immanence. Cette suspension cotonneuse s'affirme lorsque le réalisateur appose un long moment de silence entre Rita et Ivan à un filet d'eau s'écoulant d'un robinet corrodé.

Si un symbolisme éventé ou naïf (harmonie zen, principe d'Heisenberg, impressionnisme…) perce parfois la stase abstraite de Nikolay Khomeriki, c'est bien le mythe artistique russe par excellence qu'il invoque, la contagion. Le médium en est évidemment une Rita déambulant dans un univers saumâtre : bazar foutraque et atone tantôt prophylactique tantôt décrépi (elle charrie les miasmes de la tombe, désagrégeant le réel). Alignant poses à la beauté délaissée ou mortifère et flâneries espiègles entre rais de lumière, elle cristallise la propension démiurge et liante du filmage mais surtout en assure la transmission. Ainsi les entités n'ont de cesse de la croiser, de traverser un espace de catharsis (la cuve d'analyse, ergastule minimaliste de cinéma) pour finalement tomber la blouse et s'élever, passer à l'acte de captation cinématographique de leur environnement.

Certes 977 ne révolutionne pas la perception du spectateur et accumule les références de bon aloi (avec Katerina Golubeva les cinémas de Bruno Dumont ou Claire Denis affleurent, sans compter le caméo de Leos Carax, la structure moirée façon Apichatpong Weerasethakul et la fulgurance hermétique des cadres typique de Tsai Ming-Liang) mais il procède à un enlacement étonnant des correspondances. Echos élégiaques et chuchotements inaudibles rythment la progression du film jusqu'au moment ineffable où, après deux plans sur les visages rongés de Rita (mélancolie sur fond de piano) puis de Tamara (impossibilité de consommer ses sentiments issants), les deux jeunes femmes se rencontrent sur un balcon assagi. A cet instant transpire la vocation intrinsèque de cette quête : comprendre la part de l'autre résidant dans son propre cœur (amante entraperçue sur un cliché sépia). Et nous d'être tentés de surseoir à l'aphorisme rabelaisien pour signifier que science des consciences n'est que tressage des âmes.


  Frédéric Flament





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